Dans une évaluation des trois premiers jours de la campagne nationale de vaccination de masse contre le nouveau coronavirus lancée samedi dernier pour une durée d’une semaine, le directeur général de l’Institut Pasteur d’Algérie, Fawzi Derrar, ne semble pas convaincu des résultats réalisés jusque-là. Le début de cette campagne n’a pas atteint le niveau souhaité, selon lui.

PAR INES DALI
Tout en estimant que le premier jour a connu un afflux important des citoyens vers les centres et autres lieux de vaccination, il a reconnu que cela n’a pas été le cas les deux jours d’après. Le professeur Derrar, après avoir confirmé que le nombre de personnes ayant reçu le vaccin anti-Covid-19 en Algérie a dépassé la barre de 8 millions, a, toutefois, regretté que la cadence ne suit pas les prévisions. «La grande campagne nationale de vaccination qui a été lancée il y a quelques jours n’est pas au niveau souhaité», a-t-il affirmé, hier, sur les ondes de la Radio nationale.
C’est ce qui a été démontré dans le bilan d’étape qu’il a révélé. Par le langage des chiffres, il ressort que 300.000 personnes ont été vaccinées durant le début de la campagne qui doit se terminer le 11 septembre par la journée baptisée «Big Day». Le directeur général de l’IPA a, en effet, indiqué qu’en date de lundi soir, soit au terme du troisième jour de la campagne nationale, «8,3 millions de personnes avaient reçu l’anticoronavirus». Il a expliqué que le rythme de vaccination depuis le lancement de la campagne a enregistré des résultats différents d’une région à une autre et d’un jour à l’autre, mais qu’il n’est tout de même «pas au niveau requis, surtout au cours des deux derniers jours».
Face à cette situation, le Pr Derrar a lancé un appel aux citoyens à aller se faire vacciner en masse afin d’éviter d’avoir encore à vivre à l’avenir une situation similaire à celle de la troisième vague, soit la situation de crise sanitaire dangereuse que l’Algérie a connue et qui reste encore vivace dans les mémoires, réitérant que les doses de vaccins sont disponibles et que des moyens matériels et humains importants ont été déployés pour réussir cette opération.
Le même appel a été lancé la veille par le directeur général de la prévention et de la promotion de la santé au ministère de la Santé, Dr Djamel Fourar, dans lequel les citoyens sont incités à aller recevoir leur première dose de vaccin. Il a appelé «à mobiliser les moyens nécessaires pour procéder à la vaccination anti-Covid-19 et à accélérer sa cadence», a indiqué un communiqué du ministère de la Santé, diffusé lundi en fin de journée, à l’issue d’une rencontre d’évaluation de la première phase de la campagne nationale de vaccination contre le Covid-19 tenue par visioconférence avec les directeurs de la santé et de la population (DSP) de l’ensemble des wilayas.
S’exprimant lors de cette rencontre, Dr Fourar a insisté sur «la mobilisation de toutes les capacités et moyens nécessaires pour la campagne et sur l’accélération de la cadence de cette opération», mais également sur «la nécessité d’étendre l’opération de vaccination en y associant le mouvement associatif et la société civile dans toutes les wilayas du pays». Outre les instructions aux DSP, il était attendu que les chiffres sur le déroulement de cette opération soient communiqués. C’est, du moins, ce qu’avait indiqué Dr Fourar le jour du lancement de la campagne nationale le 4 septembre dernier. Il avait alors déclaré que «le ministère présentera quotidiennement les chiffres de la campagne nationale de vaccination avec une évaluation générale le 11 septembre, dernier jour de cette campagne» et que ce qui est privilégié est «la sensibilisation et l’incitation» à la vaccination.
Le rythme qualifié de «pas au niveau requis» par le directeur général de l’IPA, s’il venait à ne pas connaitre une amélioration, pourrait «éventuellement conduire à une obligation de la vaccination», estiment des observateurs.
Une option qui, pour l’heure, est écartée par la tutelle, mais qui pourrait s’imposer si la campagne ne réalise pas l’objectif de vacciner un maximum de personnes pour la rentrée sociale.

Appréhension
Ces derniers jours, même si l’obligation vaccinale n’est pas prévue par les autorités sanitaires, elle est, toutefois, fortement recommandée par les professionnels de la santé, à l’image du Dr Lyès Merabet ou encore Riyad Mehyaoui qui se sont prononcés franchement sur la question avec arguments scientifiques à l’appui. La rentrée sociale avec les retours de congé, la reprise du travail, les rentrées scolaire et universitaire, en plus du déconfinement progressif qui se poursuit avec l’ouverture pratiquement de la quasi-totalité des activités, font que la mobilité et la proximité sont possibles pour des millions de personnes en même temps. Les professionnels de la santé justifient leur l’appréhension de voir repartir à la hausse les contaminations par le fait que les gestes barrières et autres mesures de prévention contre le Covid-19 ne sont pas respectés convenablement et parfois pas du tout respectés, même pas le port de la bavette.
C’est ce qui les a poussés à dire et redire que «les citoyens doivent comprendre que la vaccination est dans leur intérêt, car c’est la seule solution que nous avons pour lutter contre le Covid-19». D’où l’idée de l’obligation de la vaccination, après que la sensibilisation qui «risque de s’éterniser sans résultats» pour paraphraser le Dr Merabet, ne soit plus en mesure de jouer son rôle.
Mais d’ores-et-déjà, les syndicats de l’éducation nationale et ceux de l’enseignement supérieur, deux secteurs qui doivent accueillir des millions d’élèves, étudiants et employés, ont déclaré être contre l’obligation de la
vaccination. Bien qu’ils aient exprimé à la tutelle comprendre l’intérêt de la vaccination, ils ont, néanmoins, fait savoir que la rendre obligatoire pour le personnel qui ne veut pas se faire vacciner aura un effet contre-productif.
Notons que la campagne de
vaccination se poursuivra au-delà de la journée du Big Day, l’objectif de l’Algérie étant de vacciner 70% de la population adulte à fin 2021 pour atteindre l’immunité collective tant espérée. <