Dans un contexte mondial marqué par les tensions entre Européens et Russes autour de la question ukrainienne, la quête de nouvelles sources d’approvisionnement anime les gouvernements du Vieux Continent qui poussent leurs compagnies à investir dans de nouveaux projets pétroliers et gaziers. L’Algérie veut tirer profit de cette effervescence et compte sur les avantages et les incitatifs prévus par la nouvelle loi sur les hydrocarbures pour tirer son épingle du jeu. Le timing choisi pour le lancement d’un nouvel appel d’offres international dans les hydrocarbures n’est d’ailleurs aucunement fortuit.
Par Hakim Ould Mohamed
L’Algérie prépare le lancement d’un nouvel appel d’offres international dans l’exploration et l’exploitation de nouveaux périmètres dans le domaine des hydrocarbures. A ce propos, le ministre de l’Energie et des mines, Mohamed Arkab, dans une interview accordée au journal El Khabar, a souligné qu’une commission technique spécialisée, composée de responsables de son ministère, d’Alnaft et de Sonatrach, œuvre à réunir l’ensemble des données techniques et à évaluer la viabilité économique des projets potentiels afin de délimiter les périmètres qui seront proposés dans le cadre dudit appel d’offres. Selon les précisions fournies par le ministre de l’Energie et des Mines, les travaux de cette commission ont abouti provisoirement à la sélection d’une douzaine de périmètres situés au centre, au sud-est et au sud-ouest du pays. Pour rappel, le PDG de Sonatrach avait récemment indiqué dans un long entretien à la revue spécialisée MEES que «certains blocs opérés par Sonatrach qui sont en phase d’exploration intéressent de nombreuses sociétés étrangères qui ont exprimé leur intérêt à s’associer à Sonatrach et à partager les risques et les bénéfices. Les entreprises étrangères ont également manifesté leur intérêt pour d’autres superficies adjacentes non contractuelles ainsi que pour de nouveaux types de contrats. L’intérêt de ces entreprises sera certainement pris en compte par Alnaft lors de la préparation du prochain appel d’offres.»
Bien évidemment, le contexte national et la conjoncture internationale ont motivé la décision de lancer un nouvel appel d’offres international pour la prospection et l’exploration dans l’amont pétrolier et gazier algérien. L’Algérie veut tirer profit de cette quête européenne de nouvelles sources d’approvisionnement en gaz, laquelle se traduit par la mobilisation des compagnies pétrolières et gazières du Vieux Continent autour de cet objectif ; les gouvernements imposant des taxes sur les dividendes et les prises de participations afin d’encourager les majors à s’orienter vers l’investissement dans de nouveaux projets pétroliers et gaziers. Dans un climat de tension entre l’Union européenne et la Russie autour de la question ukrainienne, l’Algérie a été courtisée plusieurs fois par les capitales européennes afin d’augmenter ses livraisons de gaz à destination du Vieux Continent. En un laps de temps très court, l’Algérie s’est imposée comme un partenaire fiable et sûr, approvisionnant l’Europe en volumes supplémentaires. Quant au contexte national, Mohamed Arkab précise à juste titre que le nouvel appel d’offres international se prépare, alors que le pays propose une nouvelle loi sur les hydrocarbures porteuses de nombreux avantages et dispositifs incitatifs au profit des investisseurs. En effet, la nouvelle loi dont il est question prévoit trois types de contrats : le partage de production, la concession et les services à risque.
Sélection provisoire d’une douzaine de périmètres
Dans son aspect fiscal, la nouvelle loi sur les hydrocarbures propose un système d’imposition simplifié et plus incitatif aussi bien pour l’exploitation et le développement des grands champs que pour les moyens et petits champs. Le nouveau système fiscal contenu dans la loi de 2019 est basé principalement sur quatre (04) impôts et taxes. Il s’agit de la taxe superficiaire, la redevance, l’impôt sur le revenu des hydrocarbures (IRH) et l’impôt sur le résultat. Quant à la TPE contenue dans la loi 2005 et qui a fait l’objet par le passé de vives critiques de la part de certaines compagnies, la taxe sur les profits exceptionnels se décline désormais sous la forme d’un nouveau mécanisme d’écrémage. L’Algérie compte ainsi sur cette nouvelle loi pour muscler l’attractivité du domaine minier national et briser une série d’échecs des précédents appels d’offres qui se sont soldés, rappelons-le, par une faible moisson en compagnies soumissionnaires et en périmètres attribués. En effet, le dernier appel d’offres en date, lancé en 2014, s’est soldé par un échec en raison de l’absence des textes d’application de la précédente loi sur les hydrocarbures datée de 2013. L’appel d’offre de 2014 s’est conclu par l’octroi de seulement quatre (04) permis sur les 31 proposés. Sur les quatre permis attribués, il y avait un seul investisseur candidat. En vérité, l‘appel d’offres lancé en 2014 était le dernier en date concluant une série d’échecs amorcée depuis 2008, année durant laquelle un premier appel d’offres sous le régime de la fameuse loi de 2005 était lancé. En effet, l’appel d’offres lancé en 2008 s’est soldé par l’attribution de seulement 4 permis sur 16, alors qu’à l’issue de l’appel d’offres lancé l’année suivante, en 2009, 3 permis seulement ont été attribués sur 10. En 2011, seulement 2 permis d’exploration sur 10 ont été attribués. Les correctifs apportés à la loi sur les hydrocarbures de 2005, dans le cadre d’une nouvelle loi publiée en 2013 n’ont pas pu briser la série d’échecs entamée dès 2008, puisque l’appel d’offres lancé en 2014 sous le régime de la loi de 2013 s’est soldé par l’octroi de 4 permis sur 31 seulement. Les raisons de l’échec ont été aussitôt identifiées, à savoir, entre autres, la règle imposant à Sonatrach de prendre une part majoritaire dans l’ensemble des nouveaux projets pétroliers, la taxe sur les superprofits qui permet à l’Etat d’imposer les bénéfices des compagnies lorsque le prix du pétrole est au-dessus de 30 dollars, un manque d’explication qui a caractérisé les amendements apportés à la loi de 2005 par celle de 2013 à travers l’absence des textes d’application, l’absence de données sur les périmètres proposés, dont les travaux sismiques, un cadre fiscal globalement peu lisible pour les compagnies étrangères… Avec la nouvelle loi sur les hydrocarbures, adoptée en 2019, et dont les textes d’application ont été publiés, le gouvernement entend ainsi relancer l’investissement dans l’amont pétrolier et gazier sur la base de nouvelles conditions contractuelles avantageuses et attractives. L’Italien ENI et la compagnie chinoise SINOPEC ont déjà conclu des partenariats avec Sonatrach sous le régime de la nouvelle loi. D’autres majors sont également présentes dans les starting-blocks, à l’image du géant américain Chevron. L’objectif est d’augmenter les réserves de l’Algérie en pétrole et en gaz et de répondre ainsi à la fois à la demande nationale et internationale. n