Six ans après le départ de LeBron James, le Heat est déjà de retour aux sommets de la Conférence Est. Une belle récompense du travail effectué par Pat Riley, Erik Spoelstra, Jimmy Butler et consorts. Plongée au sein d’une franchise pas comme les autres.
Fatiguée, vieillissante et humiliée par des Spurs revanchards, la dynastie express du Heat s’effondrait en 2014. Quatre ans seulement après l’arrivée de LeBron James, venu « exporter ses talents » à South Beach durant lesquels Miami a aligné quatre finales pour deux titres, en 2012 et 2013. Puis déjà la fin de cycle. Le démantèlement d’une équipe un temps invincible ou presque avec ses trois superstars. En quête d’autres aventures glorieuses, le King optait finalement pour un retour héroïque à Cleveland. Ses camarades Dwyane Wade (parti pour Chicago) et Chris Bosh (retraite forcée en raison de caillots sanguins), quittaient eux aussi le navire deux saisons plus tard. La grande majorité des organisations NBA enclenche un long processus de reconstruction dans une telle situation. Et pourtant, six ans après son dernier passage en finales de Conférence, l’équipe de Miami flirte à nouveau avec les sommets à l’Est. Plus qu’à deux séries du quatrième sacre de son Histoire. Avec d’abord un duel contre Boston qui s’annonce très disputé. Un ticket pour les finales NBA à la clé. La vitesse à laquelle le Heat a retrouvé le gratin de la ligue est épatante. Mais c’est d’abord le fruit d’un travail particulier, d’une mentalité spéciale qui fait le charme de cette franchise à part dans le paysage du basket américain.

UNE ÉQUIPE DIFFÉRENTE DES AUTRES
Déjà, les dirigeants, Pat Riley en tête, le boss, ont eu le mérite de faire les bons choix. Comme celui de garder le coach Erik Spoelstra. Changement de cycle rime trop souvent avec changement d’entraîneur. Pas là. Brillant lorsqu’il s’agissait de faire fonctionner un système avec trois des meilleurs basketteurs de la planète, Spo’ l’était tout autant pour exploiter au mieux les talents de Goran Dragic ou Dion Waiters.
Il sait développer au mieux les jeunes joueurs prometteurs repérés par le Heat. Sans piocher une seul fois dans le top-8 de la draft, les Floridiens ont récupérer Bam Adebayo (23 ans, quatorzième choix en 2017), déjà All-Star, ou encore Tyler Herro (treizième choix en 2019). Mais aussi Kendrick Nunn et Duncan Robinson, dénichés sans avoir été sélectionnés. Tous ces joueurs sont aujourd’hui des membres importants de la rotation.
C’est le fruit d’une culture forte à Miami. Celle de la gagne. De la compétition. Ici, on ne casse pas. On s’adapte. « Quand Zo [Mourning] prend sa retraite, le Heat s’ajuste. Un titre avec Shaquille O’Neal ? Ajustement. LeBron part ? Ajustement. En 25 ans, cette franchise n’a cessé de s’adapter pour continuer à faire partie des meilleurs », note un scout NBA sous couvert d’anonymat. Le Heat est l’une des franchises les plus jeunes du championnat. Créée en 1989, elle a déjà glané trois bagues. Attiré des légendes comme Shaquille O’Neal ou LeBron James. C’est déjà une organisation mythique.
Facile, diront certains. En tout cas probablement plus facile de faire venir des stars à Miami qu’à Minneapolias ou Charlotte. Mais il n’y a pas que l’aspect « bling-bling » dans la ville de la Jet Set. Justement, les valeurs du Heat sont à l’opposé de ça. C’est le travail. Le dépassement de soi. Avec la préparation physique la plus poussée du circuit notamment. « C’est un niveau de professionnalisme, de combativité et de compétitivité. L’équipe la plus en forme. La culture est réelle », répondait Jae Crowder, quand un journaliste lui demandait de définir cette fameuse culture. Et tout ça, ça a contribué à faire venir Jimmy Butler. Une autre superstar. L’un des joueurs phares les plus rigoureux de la ligue. Parce que contrairement à ses compères du gratin NBA – le top-10 ou top-15 – il n’était pas prédestiné à intégrer cette classe. Rarement la première option de son équipe. Trentième choix de la draft 2011. Un rôle dans l’ombre lors de ses débuts aux Bulls. Puis des progrès, constants, spectaculaires, à force d’entraînements. Au point de devenir l’une des références sur son poste. Impressionnant pour un adolescent abandonné par sa mère qui « n’aimait pas son regard. » Accueilli par la famille d’un coéquipier. Un mental d’acier.

TOUS DERRIÈRE JIMMY BUTLER
Presque trop dur. Trop dur pour Chicago, Minnesota ou Philadelphie, où il n’était pas compris. Tout l’inverse à Miami. Sa personnalité colle parfaitement à celle de sa franchise. « Nous avons les mêmes croyances. Être honnête, travailler dur chaque jour. Et croire au fait qu’on peut battre n’importe qui. Ici tout le monde y croit et ça marche », précise-t-il au sujet de l’encadrement. Butler est très exigeant avec lui-même alors il l’est aussi avec ses partenaires.
Parfois ça ne passe pas. Comme avec les jeunes talents des Bulls. Ou les nonchalants Karl-Anthony Towns et Andrew Wiggins. Alors il lui a été collé l’étiquette du mauvais leader. Pourtant, au Heat, tout le monde le suit sans broncher. « C’est le compétiteur ultime. Tout le monde se demandait ‘est-ce qu’il est trop compétitif ? Est-ce que c’est un connard ?’ Et bien non. C’est un gagnant. Et il attend le même niveau de concentration, d’effort et d’énergie de ses coéquipiers. Il nous tire tous vers le haut », confie Meyers Leonard.
Jimmy Butler, à l’instar de son équipe, est là pour le business. Pour aller au bout. Il a d’ailleurs refusé la venue de ses proches dans la bulle juste pour pouvoir se concentrer sur la tâche. Sa confiance est inébranlable. Il était persuadé que le Heat pouvait battre les Bucks, première tête de série à l’Est et machine à gagner pendant la saison régulière. Il a dominé le MVP Giannis Antetokounmpo. Pour un 4-1 retentissant à l’arrivée. Hors de question d’endosser un costume d’outsiders avant de défier les Celtics. « Nous sommes là où nous sommes censés être.»
Il y croit. Ils y croient tous. Du coach à la star en passant par le douzième homme d’un effectif très homogène, sans véritable maillon faible. Ils suivent tous l’exemple de leur guide. Un ensemble soudé. Où chacun se bat pour l’autre. Et dans ce contexte si particulier, où les joueurs sont forcés de vivre tous sur le même toit pendant des semaines, sans fans dans les salles, ça peut faire la différence. Cette équipe est séduisante par sa combativité et son talent. Elle donne envie de l’aimer. Et peut-être même de la rejoindre. Il se murmure d’ailleurs qu’un certain Antetokounmpo pourrait considérer Miami comme une éventuelle destination en cas de départ de Milwaukee… histoire de former une nouvelle dynastie. n