Le chef d’Al-Qaïda, l’Egyptien Ayman al-Zawahiri, a été tué dans la nuit de samedi à dimanche en Afghanistan par une frappe de drone américain, a annoncé lundi en direct à la télévision le président américain Joe Biden. Une information qui, comme toutes celles du genre depuis le 11 septembre 2001, a fait le tour du monde en quelques minutes seulement.

Par Halim Midouni
«Samedi, sur mes ordres, les Etats-Unis ont mené à bien une frappe aérienne sur Kaboul, en Afghanistan, qui a tué l’émir d’Al-Qaïda, Ayman al-Zawahiri», a lancé le chef de la Maison Blanche lors d’une courte allocution. L’attaque au drone a été menée à l’aide de deux missiles Hellfire et sans aucune présence militaire américaine au sol contre une maison à trois étages dans le quartier aisé de Sherpur où résident des responsables talibans de haut rang, a précisé un responsable américain, preuve selon lui de la capacité des Etats-Unis «d’identifier et de localiser même les terroristes les plus recherchés au monde et de prendre des mesures afin de les éliminer». Ayman al-Zawahiri avait été repéré «à de multiples reprises et pour de longues durées sur le balcon où il a finalement été touché» dans la capitale afghane, a-t-il ajouté. Mais le bâtiment ne porte pas de traces d’explosion et personne n’a été blessé dans l’opération. Deux éléments qui, selon les experts, laissent penser que les Américains ont fait usage du Hellfire R9X, un missile équipé de six lames en forme de rasoir, qui tranche à travers sa cible mais n’explose pas. Baptisée «Flying Ginsu» (le Ginsu volant) d’après une célèbre publicité télévisée des années 1980 pour une marque de couteaux de cuisine, le missile est devenu une munition de choix pour tuer les leaders de groupes jihadistes, tout en évitant de faire des victimes civiles, rapportent les agences de presse à travers les témoignages techniques qu’elles ont recueillis.

Ayman al-Zawahiri introuvable depuis plus de dix ans
Ayman al-Zawahiri était l’un des chefs jihadistes les plus recherchés au monde et les Etats-Unis promettaient 25 millions de dollars pour tout renseignement permettant de le retrouver. Il avait pris la tête de la nébuleuse islamo-terroriste en2011, après la mort d’Oussama Ben Laden. Introuvable depuis plus de dix ans, il était considéré comme un des cerveaux des attentats du 11 septembre 2001, qui avaient fait près de 3.000morts aux Etats-Unis. Son élimination ouvre le débat sur les conditions de sa localisation par le renseignement américain et sur les sources d’information exploitées par la CIA à Kaboul et, peut-être, dans d’autres parties de l’Afghanistan qui a vu Al Qaida naître, se développer et ne plus peser comme elle le faisait auparavant sur la sphère jihadiste. Une mort lente, en somme, commencée il y une dizaine d’années alors que, suivant la même logique, s’imposait à partir de 2014 l’organisation de l’Etat islamique (Daech) créée à partir de 2006 et qui, elle aussi, se trouve aussi en situation d’affaissement. Dans le cadre de l’accord de Doha en 2020, les talibans ont promis de ne pas laisser l’Afghanistan redevenir une rampe de lancement au jihad international. La présence d’Ayman al-Zawahiri à Kaboul constitue une «violation claire» de cet accord, a noté un haut responsable américain. Il est cependant possible, expliquent des experts, que les Talibans aient décidé de lâcher al-Zawahiri et de collaborer avec le renseignement américain moyennant des négociations dont il s’agira d’identifier la nature et les objectifs, eux qui ont plus que jamais besoin d’aide économique et diplomatique. Cela n’exclut pas le fait que la CIA dispose d’agents locaux à Kaboul, sans relation directe avec le pouvoir taliban. «Ce que nous savons, c’est que les hauts responsables talibans de Haqqani étaient au courant de sa présence à Kaboul», a indiqué à ce sujet un responsable de l’administration Biden. Le ministre afghan de l’Intérieur, Sirajuddin Haqqani, est à la tête du redoutable réseau Haqqani, un sous-ensemble brutal des talibans, responsable de certaines des pires violences au cours de ces vingt dernières années, explique-t-on. La mort du chef d’Al Qaida incite à se poser des questions également sur son futur successeur et surtout l’état actuel de l’internationale islamo-terroriste et sur ses capacités d’usure. L’organisation n’est plus le perturbateur de l’ordre mondialisé qu’elle était il y a plus de vingt ans. Ayman al-Zawahiri était contesté par de nombreux courants et la solitude dans laquelle il vivait à Kaboul est peut-être un indicateur de son isolement et de sa marginalisation par ces courants. On dit que l’organisation est passée d’une mode opératoire sans frontières à la localisation de ses actions via des «filiales» locales comme au Sahel. Mais cette transformation date déjà d’au moins une dizaine d’années. Le terrorisme de franchise qui était son apanage demande à être vérifié et soumis à l’épreuve du terrain, notamment au Sahel, laboratoire à ciel ouvert où sévissent ces «filiales» comme Aqmi et autres.
En attendant d’éventuelles réponses, on retiendra pour l’instant cet invariant de l’antiterrorisme US et cette caractéristique très américaine de traquer leurs cibles sur de longues périodes comme il s’est agi pour Benladen tué en mai 2011 ou pour Abdullah Ahmed Abdullah, tué en 2020 dans les rues de Téhéran par des agents israéliens lors d’une mission secrète commanditée par Washington, information révélée quelques mois plus tard par le New York Times. Il était recherché par les États-Unis pour sa participation présumée aux attentats de 1998 contre les ambassades américaines à Dar-es-Salam en Tanzanie et Nairobi au Kenya. On retiendra également cette sacralisation du citoyen américain par les gouvernements successifs des Etats-Unis à lui rendre justice en cas d’attaque terroriste.
La mort d’Al-Zawahiri permettra aux familles de victimes tuées dans les tours jumelles du World Trade Center, à New York, et au siège du Pentagone près de Washington, «de tourner la page» «Justice a été rendue et ce dirigeant terroriste n’est plus», a déclaré le président Joe Biden. n