Le secteur industriel a occupé la place qui lui revient dans le Conseil des ministres tenu samedi. Inévitable, la filière automobile a fait réagir le Président de la République, Abdelmadjid Tebboune, qui a saisi l’occasion pour instruire le gouvernement de mettre en place de nouvelles règles pour les importations CKD-SKD destinés au montage de véhicules. M. Tebboune a précisé que ces règles devraient être pensées de sorte à assainir cette filière industrielle ayant fait beaucoup de bruit, notamment en termes de scandales et d’absence totale de vision industrielle.
Ce dossier figure parmi les dossiers à caractère « urgent » et « sensible », méritant des « réponses concrètes », a-t-il insisté. Ces orientations s’inscrivent assez clairement dans la logique de l’intervention du chef de l’Etat, en décembre dernier, lorsqu’il avait effectué sa première sortie sur le terrain pour inaugurer la Foire de la production algérienne. Une occasion pour Tebboune de dire ce qu’il pensait de l’industrie automobile en Algérie, et ce jour-là, il n’avait pas hésité à renier l’existence réelle de cette industrie pour certains projets, estimant que ces derniers « ne peuvent être qualifiés d’industrie » et qu’ils représentent « simplement une importation masquée ». D’où l’impératif de « réviser les procédés d’importation » et de « traiter certaines pratiques immorales entachant cette opération », avait-il déjà annoncé, en attendant les instructions officielles du dernier Conseil des ministres.
C’est donc un dossier automobile lourd et compliqué, légué par ses devanciers, qu’est appelé à gérer le gouvernement de Abdelaziz Djerad, particulièrement le nouveau ministre de l’Industrie et des Mines, Ferhat Aït Ali, qui, visiblement, se trouve aujourd’hui devant le fait accompli d’une « industrie » automobile qu’il avait appelé dès son stade de projet lorsqu’il multipliait ses interventions en qualité d’expert. De quoi se demander d’ores et déjà jusqu’où ira M. Aït Ali, et les autres ministres concernés par ce dossier, pour accomplir la mission d’assainir une filière automobile, version assemblage faut-il le répéter, dont il avait prédit l’échec avant même qu’elle ne fasse son entrée à travers des projets dopés de CKD-SKD qui n’ont à aucun moment réduit la facture des importations de véhicules finis avec laquelle les responsables à l’origine de cette démarche disaient vouloir en finir.
En mai dernier, le ministère de l’Industrie avait fixé des quotas d’importation des kits SKD aux seuls quatre principaux constructeurs automobiles, dont les projets et les programmes de production (modèles) ont été validés par le Conseil national d’investissement (CNI). Il s’agit de la SPA Renault-Algérie Production (RAP), la Sarl Tahkout Manufacturing Company, la SPA Sovac Production et la Sarl Gloviz (KIA). Dans ce sens, la facture des importations de kits CKD-SKD pour 2019 avait été plafonnée à 2 milliards de dollars.
Pour un système juridique stable
Ceci étant, la filière automobile n’est pas la seule à devoir évoluer sur de nouvelles bases. C’est, en fait, l’ensemble des filières stratégiques du secteur industriel qui sont aujourd’hui en besoin urgent d’un plan de relance.
Dans cette perspective, le ministre de l’Industrie et des Mines met l’accent sur cinq lignes directrices, a fait savoir son premier responsable lors du Conseil des ministres, citant l’accélération de la diversification de l’industrie nationale, la densification du développement de l’industrie minière, la rationalisation du déploiement territorial, du développement industriel et l’exploitation du foncier économique, le renforcement des capacités institutionnelles du pays en matière de développement industriel et minier par notamment la mise en place d’un cadre de concertation nationale et la prise en charge des enjeux économiques technologiques qui sont au cœur des processus industriel et minier.
En réaction à cette présentation,
M. Tebboune a tracé trois mesures pour le plan industriel à mettre en place, insistant sur l’obligation de «rompre avec les pratiques du passé » pour répondre réellement aux attentes des citoyens. «L’effort doit être orienté vers la création d’une véritable industrie, constituée essentiellement des industries légère, petite et moyenne, génératrices de richesses et faisant la rupture avec les industries consacrant la dépendance», a soutenu le Président de la République, avant de rappeler que «le recours excessif à l’importation a figé les esprits et tué l’esprit d’initiative et la capacité de création et d’innovation des Algériens ».
Afin d’assurer une lisibilité aux investisseurs, M. Tebboune a appelé à la mise en place d’un système juridique stable pour une durée d’au moins dix années.
Par ailleurs, le chef de l’Etat a instruit le ministre de l’Industrie et des Mines d’organiser des Assises nationales sur la nouvelle politique industrielle auxquelles prendront part les compétences de la diaspora et les
différents acteurs économiques, avec le concours d’institutions internationales, pour l’élaboration d’une politique industrielle nationale répondant aux aspirations de la nouvelle Algérie.n