La loi de finances complémentaire 2020 sera bien particulière. Elle viendra corriger les dispositions aberrantes introduites par le gouvernement Bedoui, avait indiqué le Premier ministre Abdelaziz Djerad lors de sa présentation du plan d’action à l’APN mardi dernier.
«J’ai proposé au Président de la République la préparation d’un projet de loi de finances complémentaire en vue de traiter les dysfonctionnements contenus dans la loi de finances 2020. Des dispositions fiscales injustes envers les salariés exerçant au Sud et certaines professions libérales, dont l’objectif était de semer la zizanie ». Le la est donné. La priorité pour le gouvernement Djerad est la préparation de cette loi de finances complémentaire (LFC) 2020 – qui devra traiter l’héritage empoisonné du gouvernement Bedoui, notamment l’annulation de la disposition de la LF 2020, à savoir l’exclusion des professions libérales telles que les avocats, les notaires, les médecins, les dentistes de l’impôt forfaitaire IFU, dont la conséquence est une nouvelle pression fiscale sur cette catégorie de contribuables. Cette LFC 2020 pourrait également annuler l’article de la même LF 2020, autorisant l’importation de véhicules de moins de trois ans contesté pour ses retombées négatives, flambée du dinar sur le marché parallèle et introduction de véhicules polluants (les véhicules diesel étant autorisés).
La mesure était d’autant plus inopportune que ce véhicule de moins de trois ans importé s’avère hors de portée de la majorité des citoyens. La question importation ou non de ces véhicules n’est aujourd’hui pas tranchée. Le Président Abdelmadjid Tebboune avait indiqué que ce dossier serait examiné par les ministères de l’Industrie et du Commerce qui devront prendre une décision, feu vert ou rouge à l’introduction de ces véhicules. La loi de finances complémentaire sera bien particulière, en outre, parce qu’elle devra consigner certains engagements du Président de la République lors de sa compagne électorale, la plus importante nous semble-t-il est l’exonération des salariés touchant entre 18 000 dinars, salaire national minimum garanti (SNMG), et 30 000 dinars mensuellement. Cette disposition de la LFC 2020 aura pour impact d’augmenter les salaires de ce niveau de revenu mensuel et donc d’entraîner de facto une augmentation du SNMG. C’est pourquoi, le Président de la République avait évoqué l’éventualité d’une revalorisation du SNMG, sans toutefois se prononcer de manière catégorique. Le plan d’action du gouvernement prévoit, à présent, la revalorisation du SNMG mais sans fixer d’échéance quant à son application. En tout état de cause, même si la LFC 2020 ne prévoit pas dans sa copie l’augmentation du salaire minimum dans un scénario pessimiste, la disposition consacrant l’exonération pour la catégorie de travailleurs précitée aura pour conséquence d’augmenter le salaire des smicards.
C’est-à-dire de consacrer une revalorisation du SNMG qui ne dit pas son nom. Il faut savoir que cette mesure de la LFC qui touche une grande partie des travailleurs, dont 2 millions de smicards, s’inscrit dans le sillage de la mise en oeuvre du plan d’action qui affiche comme l’une de ses principales orientations l’amélioration du pouvoir d’achat de la majorité de la population, en particulier celui des bas revenus.
La question du timing s’avère très importante. Le chef de l’Etat avait fixé l’échéance de juin pour la finalisation de la loi de finances complémentaire 2020. Cette augmentation de salaire, si cette date butoir est respectée, pourrait intervenir au cours de l’été prochain, voire le second semestre 2020. La question est de savoir si elle sera appliquée avec effet rétroactif (à partir de janvier ou juin). Il faudra attendre trois à quatre mois pour être fixé. Bemol, cette augmentation de salaire sera absorbée par l’inflation, en termes simples, par la hausse des prix si elle n’est pas accompagnée par une relance de l’appareil de production, une meilleure productivité des salariés ainsi qu’une plus grande maîtrise du marché intérieur avec une série d’actions pour lutter contre les pratiques spéculatives, les gains injustifiés et injustifiables dans la sphère commerciale et les grands écarts entre les prix réels des produits importés sur les marchés internationaux et ceux affichés au détail dans les marchés du pays. L’Association de protection des consommateurs avait récemment soutenu sur ce point que ce différentiel peut se situer à 70 % pour certains produits, soit des marges bénéficiaires scandaleuses pratiquées par certains importateurs et commerçants.
Enfin, cette loi de finances complémentaire sera particulière en ce sens qu’elle devra inscrire les moyens financiers et les formules de financement dont le gouvernement Djerad a besoin pour mettre en oeuvre les premières mesures 2020 de son plan d’action à appliquer le second semestre de l’année en cours, notamment le financement d’une tranche du programme de construction de 1 million de logements à l’échéance 2024, les nouvelles dépenses en matière d’amélioration de l’approvisionnement en eau potable, en matière d’amélioration des conditions de scolarité dans les zones rurales et d’un meilleur accès aux prestations de santé pour les populations éloignées des centres urbains.
La question que beaucoup se posent in fine, le gouvernement aura-t-il les moyens de sa politique contenue dans le plan d’action, considérée comme ambitieuse et nécessitant des ressources financières supplémentaires actuellement indisponibles en raison de la situation financière du pays, qualifiée par Abdelaziz Djerad comme très fragile.
Ce qui est certain, par contre, c’est que cette LFC 2020 censée être limitée à l’inscription de quelques nouvelles dépenses sera plus riche puisqu’elle permettra de donner les moyens financiers à l’Exécutif de mettre en oeuvre son plan d’action et d’inscrire les premières mesures promises par le chef de l’Etat et le Premier ministre Abdelaziz Djerad.