L’assassinat de Qassim Souleimani par les Américains en Irak pourrait bien constituer une escalade dangereuse dans la région et l’ouverture de la boîte de Pandore dans un Irak déjà sérieusement déstabilisé. Le face-à-face entre les Etats-Unis et l’Iran pourrait vite basculer dans un chaos destructeur qui pourrait dépasser le simple cadre irakien. En ciblant hier vendredi à proximité de l’aéroport international de Baghdad un convoi pas comme les autres, les Américains ont probablement commis un acte qui pourrait engendrer une véritable guerre dans ce pays. Le président américain vient ainsi d’engager le Moyen-Orient dans une logique d’escalade extrême. Parmi les cinq morts confirmés dans cette attaque, des personnalités de premier plan. A commencer par le général Qassem Soleimani, officier iranien populaire et figure majeure de la résistance dans la région. Qassem Souleimani était devenu depuis quelques années un homme clé dans la guerre feutrée que se font les Etats-Unis et leurs alliés contre l’Iran. Ce personnage charismatique exerce une influence clé dans la région. Son rôle dans la guerre en Syrie a souvent été évoqué et son poids grandissant en Irak commençait à déranger les services de renseignements américains et leur allié le Mossad israélien. L’Irak semble de plus en plus devenir le théâtre d’un épisode de haute tension entre et l’Iran et les Etats-Unis. Cependant autant la présence de l’Iran en Irak, pays à la majorité chiite, représente une continuité de sa zone d’influence naturelle autant la présence des Américains pose problème. Depuis l’invasion en 2003 et la destruction du régime de Saddam Hussein, la présence américaine dans la région est sujet à caution. L’Irak est depuis devenu un Etat failli ce qui a renforcé la présence iranienne. Et l’assassinat de Souleimani, de par son poids, pourrait bien faire basculer la région dans l’abîme. Aux Etats-Unis mêmes, cette opération revendiquée par le Pentagone est considérée comme particulièrement périlleuse. « Le président Trump vient de jeter un bâton de dynamite dans une poudrière, et il doit au peuple américain une explication », a dénoncé l’ancien vice-président Joe Biden, en lice pour la primaire démocrate en vue de l’élection présidentielle de novembre. « La dangereuse escalade de Trump nous amène plus près d’une autre guerre désastreuse au Moyen-Orient », a dénoncé de son côté Bernie Sanders, autre favori du primaire démocrate. Pour la présidente de la Chambre des représentants, la démocrate Nancy Pelosi c’est « une escalade dangereuse dans la violence ». Cette escalade qui semble calculée est venue après une série d’attaque des Américains. Washington avait bombardé des bases du mouvement Hached al-Chaabi près de la frontière syrienne, faisant 25 morts. Réaction, l’ambassade américaine à Baghdad dans l’ultrasécurisée zone verte a été prise à partie.
L’ouverture de l’enfer pour les Gi’s
Cette attaque assumée par les Américains et la mort d’un personnage important dans le jeu de positionnement régional pourraient compliquer la présence des soldats américains en Irak. Déjà en Iran et en Irak, les appels à la vengeance se multiplient. L’Iran et les « nations libres de la région » se vengeront des Etats-Unis, a promis le président iranien Hassan Rohani ajoutant qu’« il n’y a aucun doute sur le fait que la grande nation d’Iran et les autres nations libres de la région prendront leur revanche sur l’Amérique criminelle pour cet horrible meurtre. » Le ministre des affaires étrangères iranien, Mohammad Javad Zarif, a dénoncé une « escalade extrêmement dangereuse et imprudente ». « Les Etats-Unis portent la responsabilité de toutes les conséquences de leur aventurisme renégat », a noté le diplomate. Côté irakien, le premier ministre démissionnaire, Adel Abdel Mahdi, a estimé que le raid américain allait « déclencher une guerre dévastatrice en Irak », dénonçant « une agression contre l’Irak, son Etat, son gouvernement et son peuple ». Moqtada Sadr a, pour sa part, donné l’ordre à ses combattants de l’Armée du Mahdi de se « tenir prêts », réactivant ainsi une milice officiellement dissoute depuis environ une décennie et qui avait semé la terreur dans les rangs des soldats américains en Irak. Le guide suprême iranien Ali Khamenei a déclaré trois jours de deuil national et appelé à venger la mort du général. « Le martyre est la récompense de son inlassable travail durant toutes ces années. Si Dieu le veut, son œuvre et son chemin ne s’arrêteront pas là, et une vengeance implacable attend les criminels qui ont empli leurs mains de son sang et de celui des autres martyrs. » Les Iraniens ont déjà nommé un nouveau chef des Forces Al-Qods et ont convoqué un responsable de l’ambassade de Suisse, qui représente les intérêts américains à Téhéran en l’absence de relations diplomatiques entre les deux pays. Ce nouvel épisode représente en tout cas un tournant majeur dans la région. L’Irak risque bien de basculer dans une guerre aux conséquences encore difficiles à cerner. Ces liquidations constituent un tournant majeur et leurs répliques risquent bien de toucher l’ensemble du Proche-Orient. Trump, en proie à des difficultés internes avec la procédure d’impeachment engagée contre lui, semble avoir choisi la fuite en avant dans une logique guerrière. Les premières répliques risquent de venir en Irak où cet acte augure de graves tempêtes dans la région.n