La réaction du Syndicat national des magistrats (SNM), qui s’est dit avoir accueilli « avec beaucoup de colère » la mutation à Guemmar du procureur-adjoint près le tribunal de Sidi M’Hamed, ajoute à la tension entre ledit syndicat et le ministère de la Justice. Dans un secteur sensible comme la Justice, particulièrement mis à rude épreuve depuis l’éclatement de la crise politique en Algérie, cette affaire alimente de nouveau la controverse. M. Belhadi, le procureur-adjoint de Sidi M’hamed, qui avait requis la relaxe pour des manifestants du Hirak invoquant le respect de la loi, avait suscité une réaction pour le moins débattue. Sa sanction avait provoqué la polémique d’autant que sa mutation vers le sud du pays a été mal appréciée. Dans un communiqué rendu public mercredi dernier, le SNM avait dénoncé une utilisation abusive de l’article 26 qui ne devait « en aucun cas » servir de base pour « une mesure disciplinaire » qui devait être du ressort du Conseil supérieur de la magistrature. « Quelle nécessité de service justifie la mutation de notre collègue du tribunal de Sidi M’hamed vers le tribunal de Guemmar, à El Oued, en ce moment précis ? » s’est interrogé le SNM. Pour le syndicat, le ministre aurait pris cette décision en tant que « mesure disciplinaire » contre le magistrat après sa « plaidoirie » au tribunal de Sidi M’hamed, dans un dossier considéré comme une « affaire d’opinion ». Le ministre l’a sanctionné car il a « requis la relaxe pour tous les prévenus en tant que garant de la loi et de défenseur de la société et des libertés en vertu des articles 157 et 158 de la Constitution algérienne », note le SNM. Ce dernier avait souligné par ailleurs qu’en vertu de l’article 289 du code de procédure pénale, le magistrat du Parquet est autorisé à faire les réquisitions qu’il juge utiles. Le syndicat précise que le magistrat en question n’a reçu « aucune instruction écrite » sur ce dossier, suggérant qu’il était dans son droit.
« Les magistrats du Parquet, comme cela est de rigueur universellement, ont le devoir de faire toutes observations orales au service de la justice. Dans de nombreux systèmes judiciaires, il est notoire qu’un magistrat du Parquet, même s’il est lié par des instructions écrites de sa hiérarchie, a le droit de dire oralement ce qu’il pense dans un prétoire », avait souligné le SNM. Pour ce dernier, la décision de la mutation n’est qu’un nouvel épisode de « l’arrogance du ministère de la Justice » à l’encontre des magistrats. Cette mesure rappelle celle prise « par l’ancien ministre Tayeb Louh, en 2016, de muter un de nos collègues de la Cour suprême au tribunal de In Guezzam pour des raisons arbitraires, liées au fait qu’il a soutenu l’idée de la création d’une coalition syndicale pour défendre les magistrats ».
« Hier ressemble à aujourd’hui », a souligné le SNM assurant qu’il est urgent d’aller vers la révision des lois régissant le pouvoir judiciaire et la séparation totale des pouvoirs. Le SNM a appelé enfin le ministre à revenir sur sa décision et « à cesser ces pratiques archaïques » qui « rappellent une ère révolue », affirmant qu’il ne restera pas « silencieux » devant « la poursuite des dépassements ».