Les signes de malaise semblent se succéder au sein de l’appareil judiciaire. La mutation vers Oued Souf, depuis hier, du procureur adjoint du Parquet de Sidi M’hamed qui a décidé la relaxe des 19 manifestants accompagnée d’un discours favorable à l’indépendance de la justice, sonne comme une sanction.
« Le procureur adjoint Mohamed Belhadi a été muté au tribunal d’El Guemar, à Oued Souf », a fait savoir le porte-parole du Club des magistrats algériens, Saâd Eddine Merzougui, qui ne rappelle pas moins un épisode semblable qui s’est produit en 2019 autour du dossier de Karim Tabbou. « La juge qui avait ordonné la libération provisoire de Karim Tabbou, le 25 septembre dernier, a été dégradée de ses fonctions et mutée à la Cour de Aïn Defla », soulignent, indignés, des juristes inquiets des derniers développements qui marquent le secteur.
Il en a été de même pour Meslem Abdelkader, présidente de la chambre correctionnelle du tribunal de Sidi M’hamed, suspendue de ses fonctions après avoir refusé d’exécuter « des instructions visant à faire condamner des manifestants interpellés lors de la marche du 15 mars 2019 à Alger », rappelle M. Saâd Eddine, qui se dit point surpris par « la suspension ou la sanction dudit procureur adjoint».
Le Procureur adjoint s’est distingué, dimanche dernier, en plaidant pour l’indépendance de l’appareil judiciaire et en apportant son soutien aux Algériens qui marchent « pour une Algérie nouvelle et indépendante ». M. Belhadi a ainsi requis la « relaxe » des manifestants poursuivis en état de liberté pour ne pas « taxer » les magistrats et l’appareil judiciaire de fonctionner aux « injonctions », selon ses propres dires.
Cette plaidoirie n’a pas été du goût de la tutelle qui a convoqué, dès le lendemain, le procureur pour s’exprimer sur la teneur de son discours en pleine audience. Une convocation qu’a dénoncée le Club des magistrats, car il l’a considère comme « susceptible de perturber le processus devant instituer une justice indépendante ». Le Club des magistrats a, pour rappel, qualifié cette convocation « d’atteinte à l’exercice judiciaire » et de « menace pour les magistrats intègres », sachant qu’un Procureur a la prérogative de plaider la relaxe comme la condamnation d’un prévenu.
Le syndicat, en cours de constitution, s’offusque par ailleurs des « pressions subies depuis quelque temps de la part du ministre et des services du ministère afin de casser toute tentative d’expression ou de revendication de l’indépendance et de la dignité ». Pour le club des magistrats, la bataille que mène la nouvelle génération des juges « est inspirée du mouvement du 22 février, qui bouclera dans quelques jours son premier anniversaire ». Cet épisode, qui ne semble pas avoir révélé tous ses secrets, est venu s’ajouter à de précédents faits qui ont envenimé l’ambiance dans une corporation mise à rude épreuve avec la succession des procès et le retour, avec insistance, de la question de l’indépendance de la justice. Pendant ce temps, c’est le silence radio chez le Syndicat national des magistrats (SNM) et son président Issad Mabrouk…