Vue d’Alger, l’actualité malienne a connu durant ces dix derniers jours deux « temps » intéressants à observer et à mesurer pour arriver à la conclusion que la diplomatie algérienne fera tout pour appuyer l’effort fourni actuellement par le pouvoir militaire de transition à Bamako pour avancer progressivement dans l’accomplissement de l’Accord de paix d’Alger et parvenir à un climat de stabilité et de sécurité dans le Nord Mali.

Par Halim Midouni
Ces deux « temps » qui ont semblé antagoniques sont en vérité similaires et participent d’une cohérence qui consiste à presser le pouvoir malien de transition, quand cela est nécessaire, à manifester davantage d’empressement à accélérer les discussions avec les parties maliennes concernées par l’Accord de paix de 2015. C’est ce qui s’est passé le 31 juillet dernier quand le chef de l’Etat algérien, Abdelmadjid Tebboune, a, dans de petites phrases, appelé les militaires au pouvoir au Mali à «retourner à la légalité dans les meilleurs délais» et à accélérer l’application de l’Accord. C’est ce qui s’est passé le dimanche 7 août après la tenue à Bamako de la réunion décisionnelle de haut niveau qui a rassemblé entre le 1er le 5 août dernier le gouvernement malien et les groupes politiques signataires de l’Accord.
Après cette réunion, le ministre malien des Affaires étrangères Abdoulaye Diop s’est déplacé à Alger pour une visite de travail avec son homologue algérien Ramtane Lamamra. A l’issue de leur rencontre, le ministère algérien des Affaires étrangères et de la Communauté internationale a rendu publique, dimanche 7 août, une déclaration faisant part de la « satisfaction » de l’Algérie de « l’engagement des hautes autorités maliennes et des hauts dirigeants des mouvements signataires tel que démontré et renouvelé à l’occasion de cette réunion décisionnelle, d’œuvrer au succès du processus de mise en œuvre de cet accord ».
Pour la diplomatie algérienne, les avancées qu’elle a perçues lors de la réunion décisionnelle à Bamako sur l’importante question du « désarmement, démobilisation et réintégration des combattants et de la chaîne de commandement ainsi que sur les questions institutionnelles et constitutionnelles » ont « le potentiel d’amorcer une nouvelle dynamique dans la relance du processus de mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation ».

Nouvelle dynamique
En décrypté, Alger apprécie les décisions prises par le pouvoir malien de transition et déclare qu’elle les soutient, même si de nombreux points restent en suspens, alors qu’ils sont d’une importance cruciale pour un retour à la normalité institutionnelle et constitutionnelle dans le septentrion malien. En décrypté, Alger comprend surtout la prudence de Bamako à avancer dans un contexte politico-sécuritaire compliqué, voire dangereux sur un dossier qui ne fait pas l’unanimité parmi les courants qui soutiennent le processus de transition en cours. Au sein de ces forces politiques, il y en a qui considèrent que l’Accord de paix d’Alger est un coup d’épée dans la souveraineté du Mali sur son territoire. Il y en a qui ne veulent pas de cet accord et qui appellent au départ de la mission onusienne dans le pays, la Minusma, à l’exemple du mouvement nationaliste Yèrèwolo Débout sur les Remparts qui a fait le plein lors d’un meeting populaire organisé dans la capitale malienne vendredi 5 août, dernier jour des travaux de la réunion décisionnelle de haut niveau.
Au sein même du gouvernement malien, les choses ne vont pas de soi et l’Algérie n’entend ajouter à cette réalité par des appels qui risqueraient de compliquer son action. On sait ainsi que le Premier ministre Choguel Maïga, qui apprécie le soutien actif de la diplomatie algérienne au processus de transition et à sa réussite, souffre d’une contestation de plus en plus manifeste au sein de son mouvement, le M5-RFP, à l’origine de la chute de l’ancien président défunt Ibrahim Boubacar Keita (IBK). Son départ dans les conditions actuelles serait contre-productif et retarderait « les efforts que les parties maliennes déploient solidairement pour accélérer le processus de mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali issu du processus d’Alger en tant que composante essentielle de la transition en cours », ainsi que c’est écrit dans la déclaration de la diplomatie algérienne.
On comprend mieux pourquoi Bamako souhaite que l’Algérie « continue d’avoir un rôle moteur au Mali », comme l’a indiqué dimanche 7 août le ministre des Affaires étrangères et malien, Abdoulaye Diop. « Je me réjouis de l’intérêt et de l’importance qu’accorde le président Tebboune à la relation entre le Mali et l’Algérie qui doit être toujours un facteur pour la paix et la stabilité dans la région », a affirmé M. Diop à l’issue de ses entretiens avec son homologue Ramtane Lamamra. « Nous nous sommes particulièrement réjouis dernièrement aussi des déclarations fortes tenues par le président Tebboune qui a réaffirmé l’attachement de l’Algérie à l’unité et à l’intégrité territoriale du Mali (et) à l’importance pour les parties maliennes d’avancer plus vite et plus en profondeur par rapport à l’application de l’Accord pour la paix et la réconciliation issu du processus d’Alger, qui est d’abord dans l’intérêt des Maliens eux-mêmes », a souligné le chef de la diplomatie malienne.
Abdoulaye Diop a relevé avoir également échangé avec son homologue algérien « sur la nécessité de travailler davantage à une réactivation des cadres et mécanismes de concertation et de dialogue ». « Je crois que le comité bilatéral stratégique que nous avons mis en place s’est déjà réuni 17 fois et a permis de créer, dans un cadre souple et pragmatique, des consultations régulières sur des questions politiques et de développement et sur une autre lecture de la situation d’ensemble dans la région », a-t-il expliqué. Selon M. Diop, l’Algérie et le Mali regardent dans la même direction et partagent les mêmes préoccupations, soulignant que le président Tebboune et le président de transition malien Assimi Goïta « sont conscients du lien fort, séculaire, géographique, historique et même culturel qui unit les deux pays ». n