En organisant une exposition d’affiches dédiées au cinéma durant la période post-franquiste, l’Institut Cervantès d’Alger convie le public de la Cinémathèque algérienne à découvrir une séquence importante de l’histoire de l’art cinématographique et de la politique, en Espagne, au moment où ce pays faisait ses premiers pas dans la démocratie et devenir un « modèle universel » de transition, comme le souligne dans cet entretien le directeur de l’Institut.
Reporters : A l’inauguration, aujourd’hui à la Cinémathèque d’Alger, d’une exposition d’affiches de films espagnols de l’époque de la transition démocratique, vous avez choisi de projeter le long métrage «Ana y los lobos» (Ana et les loups) de Carlos Saura. Pourquoi ce film, pourquoi ce cinéaste ?
Antonio Gil de Carrasco : « Ana y los lobos » est un film du début des années soixante-dix, typique de ce cinéma espagnol, qui observe et décrit la société espagnole et ses mœurs à l’époque du franquisme finissant, une période qu’il critique de manière virulente mais avec grand talent. On est en 1972, et le général Franco disparaîtra en 1975, libérant la voie aux énergies libératrices et à une démocratisation du pays. Ceci pour le film qui, plus de quarante ans après, suscite toujours l’enthousiasme de la critique. Pour le cinéaste, Carlos Saura est l’un des metteurs en scène les plus influents du cinéma espagnol. C’est une icône et un réalisateur qui a produit un renouveau dans le cinéma espagnol qu’il a internationalisé avant Pedro Almodovar. C’est aussi un réalisateur qui représente bien le «cinéma de la transition» en Espagne, un cinéma ouvert à la société après des décennies de dictature.
Le message, donc, est de montrer comment le cinéma a cette faculté d’anticiper ou de témoigner de bouleversements historiques dans un pays, l’Espagne en l’occurrence…
Exactement. Le but, c’est aussi partager avec les Algériens, qui sont en train de vivre une étape très importante de l’histoire politique de leur pays, l’expérience de la transition espagnole, qui est un modèle universel, et la façon dont le cinéma s’en est emparé. Faire découvrir aux Algériens le cinéma espagnol de la transition est une chose très importante à nos yeux, notamment en ce moment. Car, les Algériens et les Espagnols sont deux peuples qui partagent beaucoup de choses en commun, l’hospitalité, la gentillesse, l’appartenance à l’espace culturel méditerranéen…
Des similitudes que nous donnent à lire ce que les Algériens vivent aujourd’hui, n’est-ce pas ?
Oui, la période de transition espagnole est une étape importante et fondatrice de l’histoire de l’Espagne. Après la mort du dictateur Franco (1936-1975), les Espagnols, qui connaissaient une ère nouvelle et ses incertitudes, avaient peur d’une autre guerre civile sanglante comme celle de 1936. Mais, cette guerre n’a pas eu lieu. Le peuple espagnol a démontré qu’il est prêt pour une transition pacifique et démocratique. Aujourd’hui, la transition espagnole est un modèle pour le monde entier. Elle est étudiée dans de nombreuses universités dans le monde, notamment à travers l’examen des parcours et des actions de ses grands acteurs qu’étaient le roi Juan Carlos et le Premier ministre Adolfo Suarez. Je rappelle que les pays latino-américains ont adopté le modèle espagnol de transition.