Après Lakhdar Bouregâa, mis en terre il y a deux jours, c’est au tour d’Abdelkader Guerroudj de rejoindre l’Eternel. Ce que le colonialisme français et l’alliance de l’Otan n’ont pu faire, la Covid-19 l’a fait en emportant deux des plus valeureux combattants de l’Algérie.
Né le 26 juillet 1928 à Tlemcen, Guerroudj était militant communiste et anticolonialiste algérien. Il sera aussi membre du FLN et moudjahid pendant la guerre de libération, après avoir milité au sein de l’Organisation des groupes de paysans dans la région, des paysans militants du PCA, les premiers à rejoindre le maquis en 1955, sans attendre des instructions du parti. Pour tout cela, et plus, il sera condamné à mort avec sa femme, Jacqueline Guerroudj, en tant que complices de Fernand Iveton, des sympathisants et néanmoins combattants aux côtés de leurs «frères» algériens musulmans.
La sentence de mort ne sera pas appliquée sur le couple de combattants car une campagne d’opinion en leur faveur sera déclarée en France, à la tête de laquelle s’illustrera particulièrement Simone de Beauvoir, la philosophe et romancière à la mode à l’époque, compagne de Jean-Paul Sartre qui aura aussi des idées tranchées et tranchantes sur le colonialisme français.
Devant la Cour qui l’avait condamné avec sa femme à la peine capitale, Abdelkader Guerroudj avait fait une déclaration, qui deviendra culte, devant le juge : «On ne peut pas forcer les Algériens à se sentir Français. Mais si l’Algérie ne veut pas, ne peut pas être française, est-ce à dire que cette indépendance doive se faire contre la France ? Non ! Et ne serait-ce que pour des commodités de langue, je suis sûr que lorsque nous aurons besoin de matériel, de techniciens, d’ingénieurs, de médecins, de professeurs pour construire notre pays, c’est à la France que nous nous adresserons d’abord. Je crois que ce serait là le véritable intérêt de nos deux pays. L’intérêt de la France n’est pas d’avoir ici des valets prêts à tout moment à passer au service d’un maître plus puissant, mais des amis ayant librement consenti cette amitié.»
Sa femme, Jacqueline Netter est née le 27 avril 1919 à Rouen, dans une famille modeste. Elle fait des études de philosophie et de droit.
En raison de ses origines juives, elle est internée par les Nazis en 1942. Mais elle réussit à fuir vers la zone libre et ainsi échapper à la déportation. Elle était la doyenne des six combattantes du FLN condamnées à mort pour
des faits «terroristes» pendant la guerre de libération.
Elle est morte le 18 janvier 2015 à Alger et a été enterrée dans le Carré des martyrs au cimetière d’El Alia.
Institutrice à Tlemcen, à Chetouane (ex-Négrier), puis à Aïn Fezza, Jacqueline Netter divorcera de son premier mari et épousera, en 1950, le «militant du Parti communiste algérien» et directeur de l’école où elle prodiguait le savoir. En avril 1955, Jacqueline et Abdelkader Guerroudj sont renvoyés pour leurs activités et expulsés en France. Ils réussissent à revenir à Alger et activent à partir de janvier 1956 à l’organisation du Réseau de Yacef Saadi pour la Bataille d’Alger.
Ils sont tous les deux condamnés à mort comme complices de Fernand Iveton, seul Européen guillotiné durant la guerre d’Algérie, mais seront graciés avec Djamila Bouazza et Djamila Bouhired, le 8 mars 1962.
La belle-fille d’Abdelkader Guerroudj, Danièle Minne, a été condamnée aussi le 4 décembre 1957 à sept ans de prison, pour sa collaboration à la Bataille d’Alger.
Abelkader Guerroudj a été inhumé hier, après la prière d’el asr, au Carré des martyrs au cimetière d’El Alia où il reposera auprès de ses frères d’armes et de son épouse.