Le procès en appel de Mahieddine Tahkout, qui s’est ouvert mercredi dernier, devrait reprendre aujourd’hui à la Cour d’Alger, alors que le verdict du jugement en appel de «l’affaire» Ali Haddad, ancien homme d’affaire et ex-président du FCE, est attendu pour demain mardi 3 novembre.

Le dossier Haddad, «complexe», à la fois politique et économique, lié à la «corruption», «l’obtention d’indus privilèges» ainsi qu’au «trafic d’influence», impliquant plusieurs anciens ministres et responsables politiques, a été rouvert, pour rappel, le 11 octobre dernier après plusieurs reports. Les audiences, nouveaux éléments et déclarations…, ont toutefois conduit le Procureur général à demander le «durcissement» des peines lors de sa plaidoirie. Les avocats de la défense ont, eux, demandé la relaxe pure et simple de leurs clients, en invoquant l’innocence, ou du moins la «non-responsabilité».
Pour rappel, dossier cite pas moins de 60 prévenus et près de 160 témoins, dont les anciens Premiers ministres Ahmed Ouyahia et Abdelmalek Sellal, les ex-ministres des Transports Amar Ghoul et Boudjemaa Talai, ou encore les ex-ministres de l’Industrie, Mehdjoub Bedda et Youcef Yousfi.
Le jugement en première instance par le Tribunal de Sidi M’Hamed avait abouti le 1er juillet dernier à des peines très lourdes. Dix-huit ans de prison ferme et une amende de 8 millions de dinars pour des faits allant de «la corruption» à «la conclusion de marchés en violation de la législation», contre Ali Haddad. Ainsi que des peines de prison allant jusqu’à 12 ans fermes contre les anciens ministres. Les principales «affaires» de corruptions et «liens d’intérêt», évoquées au cours des audiences, ont en effet laissé entrevoir l’existence d’un véritable «réseau» de corruption lors de l’attribution des marchés publics aux entreprises de l’ancien homme d’affaires. Pas moins de «124 marchés», dont certains de gré à gré placés sous l’intitulé légal de «l’urgence», ont en effet été décrochés par le groupe ETRHB d’Ali Haddad durant les 20 dernières années.
Ainsi la justice soupçonne de graves irrégularités et «cas» de corruption lors de la réalisation de projets tels que la construction de tronçons de l’autoroute Est-Ouest, de la voie de chemin de fer reliant les stations Akid-Abbès et Tlemcen, ou encore dans l’obtention de concessions minières et portuaires, lors de la mise en œuvre du projet de montage de camion Savem, ou encore pour la très médiatique affaire de la construction du stade de Tizi-Ouzou…
Par ailleurs, il est à rappeler que le «volet» plus politique du dossier Ali Haddad a mis en avant une probable implication de l’homme d’affaires dans le financement de la campagne électorale de 2019 de l’ancien président de la République Abdelaziz Bouteflika. Le prévenu aurait en effet collecté pas moins de 75 milliard, selon le juge cité par l’APS. Ali Haddad a, lui, nié en bloc, affirmant qu’il n’avait «jamais financé de campagne électorale ni aucun parti politique». En ce sens, il est à préciser que l’ensemble des accusés ont rejeté les accusations portées contre eux. La défense d’Ali Haddad a plaidé «l’acquittement» tout au long des audiences du procès en appel en expliquant que «les affaires et investissements» de l’ancien président du FCE et propriétaire de l’entreprise de construction ETRHB «ont été réalisés conformément aux lois en vigueur». Les «politiques» ont également suivi la même ligne de défense en expliquant que leurs actions et décisions entraient dans le cadre de la politique de l’Etat. Amar Ghoul et Boudjemaa Talai, condamnés à 10 et 3 ans de prison, ont ainsi expliqué qu’ils avaient travaillé selon les «directives du Président ou du gouvernement». Les anciens Premiers ministres ont, eux, minimisé leurs degrés de responsabilité. L’avocat d’Abdelmalek Sellal souligne (selon l’APS) que l’ancien Premier ministre «ne faisait qu’exécuter le programme de l’ancien Président de la République, Abdelaziz Bouteflika, lequel programme a été adopté de surcroît par les deux chambres du Parlement».
Poursuite du dossier Tahkout
Le même Tribunal a par ailleurs entamé mercredi dernier le réexamen d’une autre «affaire» de taille, liée elle aussi à la corruption au plus haut niveau, impliquant d’anciens responsables politiques et qui devrait se poursuivre aujourd’hui. En effet, jugé en première instance par le Tribunal de Sidi M’Hamed, «l’affaire» Mahieddine Tahkout avait abouti en première instance à la condamnation de l’ancien homme d’affaires et patron de Cima Motors à 16 ans de prison ferme et à une amende de 8 millions DA. Les anciens Premiers ministres Ahmed Ouyahia et Abdelmalek Sellal avaient pour leur part écopé de 10 ans de prison ferme et 500 000 dinars d’amende, alors que l’ancien ministre de l’Industrie, Abdeslam Bouchouareb, toujours «en fuite», a été condamné à 20 ans de prison ferme assortie d’une amende de 2 000 000 DA.
Affaire, qui s’était ainsi transformée en première instance en un véritable procès de la politique de montage automobile, met en scène les liens troubles entre le pouvoir politique et les ex-opérateurs économiques, en retenant les chefs d’accusation de «corruption» et «d’abus de fonction» et en réclamant le versement d’un montant de 309 milliards DA à titre de dommages et intérêts causés au Trésor public. Les accusés toutefois plaident «l’innocence», faisant savoir lors de la première audience du jugement en appel (le 28 octobre dernier) que le dossier contenait, selon eux, de nombreux «vices de forme». Notamment en ce qui concerne le jugement des ex-Premiers ministres, qui devrait se faire, selon la défense, face à une «juridiction spéciale» compétente pour le «jugement d’un Premier ministre». Une remarque toutefois «rejetée» par le Procureur de la République. Les prochaines audiences devraient être marquées par les auditions d’Ahmed Ouyahia, Abdelmalek Sellal, Abdelghani Zaâlane, Youcef Yousfi et Amar Ghoul, qui comparaîtront notamment pour «octroi d’indus avantages». n