Une nouvelle ère des relations bilatérales doit s’ouvrir entre l’Algérie et la France, a affirmé le chef de l’Etat, Abdelmadjid Tebboune, lequel a annoncé qu’il se rendra en 2023 à Paris dans une visite d’Etat qui marquera sans doute la consolidation du «partenariat renouvelé» algéro-français signé en août dernier et qui a tourné la page d’un automne 2021 tumultueux suite aux propos de M. Macron sur l’Algérie, son histoire et son système politique.

PAR NAZIM BRAHIMI
S’exprimant dans une interview au quotidien français, Le Figaro, M. Tebboune a estimé qu’il est «urgent d’ouvrir une nouvelle ère des relations bilatérales» entre l’Algérie et la France, considérant que «plus de 60 ans après la guerre, il faut passer à autre chose».
Il a relevé, dans ce registre, que «si la mémoire fait partie de nos gènes communs, nous partageons aussi bon nombre d’intérêts fondamentaux, même si nos points de vue peuvent diverger».
Dans le même chapitre, il a estimé que «la France doit se libérer de son complexe de colonisateur et l’Algérie, de son complexe de colonisé», ajoutant que «l’Algérie est une puissance africaine qui ne ressemble pas du tout à ce qu’elle était en 1962».
Sur la question de la Mémoire et après avoir rappelé que la décision d’installer une Commission d’historiens de part et d’autre a été prise par lui et le Président français, il a affirmé qu’une «partie de la colonisation doit être dépolitisée et remise à l’histoire».
«Il faut prendre en compte les 132 ans d’occupation, car tout ne commence pas avec la guerre d’indépendance. Il y a des faits avérés, archivés, documentés, qu’on ne peut pas cacher, des écrits l’attestent», a relevé le chef de l’Etat. En ce qui concerne les essais nucléaires effectués par la France coloniale dans la région du sud algérien, le Président Tebboune a «demandé que la France nettoie les sites de ces essais, vers Reggane et Tamanrasset, où la pollution est énorme», faisant part de son «souhait qu’elle prenne en charge les soins médicaux dont ont besoin les personnes sur place».
Répondant à une question sur «le rétablissement du flux habituel des visas par la France», le président de la République a estimé que «c’est simplement dans la logique des choses», rappelant que «la circulation des personnes entre nos deux pays a été réglée par les Accords d’Evian de 1962 et l’Accord de 1968». M. Tebboune a relevé, à ce sujet, qu’il y a une «spécificité algérienne, même par rapport aux autres pays maghrébins. Elle a été négociée et il convient de la respecter».
Interrogé sur son «entente» avec le Président français, Emmanuel Macron, le chef de l’Etat a affirmé : «Oui, nous avons une certaine complicité», relevant qu’il voit en lui «l’incarnation d’une nouvelle génération qui peut sauver les relations entre les deux pays».
«Nous avons une amitié réciproque. Certes nous avons eu, lui comme moi, des formules malheureuses, mais c’est la première fois me semble-t-il qu’il y a une telle relation de confiance entre nos deux pays», a-t-il fait remarquer. Les deux chefs d’Etat avaient relancé leur coopération dans une déclaration commune signée en grande pompe, ouvrant la voie notamment à un assouplissement du régime de visas accordés à l’Algérie, en échange d’une coopération accrue d’Alger dans la lutte contre l’immigration illégale. Mais le dossier a été réglé il y a quinze jours lorsque la France a annoncé, par la voix de son ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin, un retour à la normale dans l’octroi de visas aux Algériens demandeurs.

«La dislocation de la Libye», source d’insécurité régionale
Il a relevé, par ailleurs, que «le terrorisme est derrière nous et ne représente plus un danger pour l’Algérie», regrettant que les étrangers refusent de le constater. «L’islamisme est derrière nous, il ne représente plus un danger politique même s’il subsiste quelques reliquats», a-t-il dit.
Abordant l’instabilité dans la bande sahélienne, le Président Tebboune a fait observer que «la dislocation de la Libye a facilité le transfert d’armes lourdes» dans cette région, affirmant à cet effet que «le règlement de la situation sur place passe évidemment par l’Algérie».
«Si on nous avait aidés dans l’application de l’Accord d’Alger de 2015 pour la pacification de cette zone, on n’en serait pas là», a-t-il relevé, ajoutant que «dans cette crise, l’Algérie a un raisonnement de voisin, elle ne fait pas de géopolitique, comme d’autres».
Il a souligné que «nous vivons en bonne entente avec nos frères maliens depuis plus d’un siècle», précisant que «pour ramener la paix, il faut intégrer les gens du Nord du Mali dans les institutions de ce pays» et que «le terrorisme n’est pas ce qui me préoccupe le plus, nous pouvons le vaincre». «Je suis beaucoup plus inquiet par le fait que le Sahel s’enfonce dans la misère. Là-bas, la solution est à 80% économique et à 20% sécuritaire», a-t-il déploré, estimant que l’argent investi par le Mali pour s’offrir les services du groupe russe Wagner serait «plus utile s’il était investi dans des projets économiques», Dans le même sillage et s’exprimant sur la crise en Ukraine, le Président Tebboune a défendu le principe de non-alignement de l’Algérie. «Je n’approuve, ni ne condamne l’opération russe en Ukraine. L’Algérie est un pays non aligné, et je tiens au respect de cette philosophie. Notre pays est né pour être libre», a-t-il affirmé, considérant en ce qui concerne les positions géopolitiques et les arbitrages onusiens, qu’il «serait bon que l’ONU ne condamne pas uniquement les annexions qui ont lieu en Europe», et s’interroger sur l’annexion du Golan par l’entité sioniste ou du Sahara occidental par le Maroc. Au sujet de la crise avec le Maroc, M. Tebboune a indiqué que «c’est le régime marocain qui cause des problèmes, pas le peuple marocain» dont 80 000 ressortissants vivent en Algérie «en bonne intelligence», réitérant sa position déjà exprimé et selon laquelle «aucun pays ne peut se poser en médiateur entre nous». n