La Première ministre française, Elisabeth Borne, est attendue aujourd’hui à Alger, pour sa première visite à l’étranger. La locataire de Matignon arrive à la tête d’une forte délégation composée de 16 ministres, dont Bruno Le Maire, ministre de l’Economie et des Finances, pour relancer le bilatéral entre la France et l’Algérie.
Et co-présider demain, avec son homologue algérien Aïmene Benabderrahmane, la cinquième session du comité intergouvernemental de haut niveau (CIHN), un des principaux cadres de coopération entre les deux parties.

Par Khaled Remouche
Après la visite du Président français fin août à Alger, une séquence qui a mis fin à la période de froid qui avait caractérisé la relation algéro-française depuis octobre 2021, notamment par un «traité de partenariat renouvelé» signé par les présidents Macron et Tebboune pour de nouvelles perspectives d’échanges, c’est au tour de la Première ministre, Elisabeth Borne, de venir ouvrir une nouvelle page et concrétiser les promesses d’une nouvelle relation plus solide, notamment en matière d’économie et d’investissement.
La tenue demain dans un climat apaisé de la 5e session du Comité intergouvernemental de haut niveau (CIHN) Algérie-France a, en effet, pour objectif de passer du stade des intentions à celui du concret par l’examen et l’adoption souhaitée des dossiers de coopération à l’ordre du jour de la visite de Mme Borne et de ses ministres.
Parmi eux, des poids lourds de la politique et de la coopération française comme les ministres de l’Economie et des Finances Bruno Le Maire, de l’Intérieur Gérard Darmanin, des Affaires étrangères Catherine Colonna, de la Justice Eric Dupont-Moretti. Ces responsables sont accompagnés de ministres dont les départements sont engagés depuis longtemps dans l’action de coopération avec l’Algérie, à l’exemple des ministres du Travail Olivier Dussopt, de la Transition énergétique Agnès Pannier Runacher, de l’Education nationale Pap Ndiaye et de la Culture Rima Abdul Malak.

Signature attendue de plusieurs accords
La qualité de la participation française à cette réunion, considérée comme l’une des plus significatives depuis plusieurs années, traduit l’importance de l’évènement pour la partie française comme pour la partie algérienne. Elle servira de test sur la capacité des deux pays à relancer leur coopération suivant l’ambition qu’ils expriment régulièrement à la hisser à des niveaux exemplaires tant sur les questions politiques qu’économiques.
Selon Matignon, la rencontre sera toutefois focalisée sur la relance de la coopération notamment en matière de jeunesse, de transition énergétique, de nouvelles actions en matière de renforcement de la coopération économique. La signature de plusieurs accords dans ces domaines est attendue. Le suspense est maintenu cependant sur les dossiers des concessions automobiles Renault, Peugeot et Citroën, les énergies renouvelables avec l’implication potentielle des entreprises françaises à la réalisation des centrales photovoltaïques dans le cadre du projet Solar 1000 MW.

Reflux de l’investissement français en Algérie
Le suspense entoure également l’implication ou non de Total dans de nouveaux investissements en amont, à travers notamment l’appel à manifestation d’intérêt lancé par Alnaft pour l’octroi de nouveaux permis en matière d’exploration et de développement de nouveaux gisements de pétrole et de gaz. Côté pétrochimie, il est probable que l’accord de l’attribution de l’EPC pour la réalisation d’un complexe de polypropylène à Arzew en partenariat entre Sonatrach et Total soit signé en marge de cette rencontre. A retenir, selon Matignon, que la Première ministre française s’entretiendra avec le Président de la République Abdelmadjid Tebboune.
L’enjeu de la visite de la délégation ministérielle française est d’encourager le reflux de l’investissement français en Algérie, qui a connu une stagnation remarquée durant ces dernières années, voire un recul dans les services avec le départ de Suez Environnement, de la RATP et dans la manufacture automobile avec le gel de l’activité de Renault, dont le sort demeure toujours incertain, voire inquiétant au vu de l’évolution de l’état de l’infrastructure et de l’investissement consentis à ce qui était l’usine de Oued Tlélat près d’Oran.
Le pari, également, est de faire le point dans le secteur pharmaceutique et celui des énergies renouvelables alors que les parts de marché de la France en Algérie connaissent une baisse par rapport à celles de leurs concurrents, la Chine et la Turquie notamment.
En 2020, la France se classait comme le deuxième client et deuxième fournisseur de l’Algérie. En tant que fournisseur, sa part était de 10,6%, devancée par la Chine (16,8%). En tant que client, sa part était de 13,3%. Elle était dépassée par l’Italie, 14,7%. Elle devance l’Espagne et la Chine. Selon le Trésor français, les investissements français en Algérie tournaient entre 64 millions d’euros et 238 millions d’euros annuellement entre 2016 et 2020. Le stock d’IDE français en Algérie s’élève à 9,9 milliards d’euros. La France est particulièrement présente à travers ses investissements notamment dans le secteur pétrolier, l’énergie, les banques et assurances, le secteur pharmaceutique, l’agroalimentaire, les services hors banques et assurances. Enfin, les secteurs qui ouvrent de nouvelles perspectives pour les investissements français représentent un large champ d’intervention : pétrolier, énergies renouvelables, transition énergétique, le secteur pharmaceutique, l’industrie manufacturière, l’agriculture-agroalimentaire et l’économie numérique.
Il y a lieu de noter qu’à son arrivée aujourd’hui à Alger, Mme Borne déposera une gerbe de leurs au monument des Martyrs, avant de se rendre au cimetière Saint-Eugène à Alger. Après la séquence mémorielle, Elisabeth Borne s’entretiendra avec son homologue algérien Aïmene Benabderrahmane, avant d’ouvrir avec lui le 5e Comité intergouvernemental de haut niveau (CIHN) et de présider une cérémonie de signatures d’accords dans les champs de la formation, de la transition énergétique, de la coopération économique, de la jeunesse et de l’éducation, et de projets plus régaliens.
Lundi, les deux Premiers ministres ouvriront le Forum d’affaires algéro-français. Puis Elisabeth Borne visitera le lycée français Alexandre-Dumas avant de rencontrer la communauté française et la société civile algérienne.
Sur le sujet de la mémoire de la colonisation, une commission d’historiens algériens et français doit également être installée pour examiner «sans tabou» les archives des deux pays, selon les services de Mme Borne.