De gros efforts devront être déployés pour assurer la sécurité alimentaire et préserver le pouvoir d’achat des ménages dans le secteur agricole, actuellement grippé par des contraintes hydriques, de rendement ainsi que d’un manque de libération des initiatives et d’appui aux investisseurs et des dysfonctionnements dans la distribution.
Par Khaled Remouche
Le gouvernement a de nouveau examiné le dossier agriculture eu égard à son caractère stratégique à l’aune de la sécurité alimentaire, aujourd’hui menacée par le reflux de la production céréalière et l’insuffisante offre locale en lait et viandes rouges. Le développement de la production agricole est devenu l’urgence des urgences. A tel point que le chef de l’Etat, à l’issue de la présentation de l’exposé relatif au secteur agricole en Conseil des ministres dimanche dernier, a affirmé que la production agricole était un enjeu crucial pour la Nation et une question de dignité nationale. Il a pointé du doigt en ce sens la baisse de la production céréalière en 2021. A cet égard, des spécialistes de l’agriculture depuis des décennies ne cessent de souligner le caractère cyclique de la production de céréales. En clair, l’agriculture algérienne n’arrive pas depuis des décennies à maintenir plus ou moins le niveau de la récolte céréalière. Ce qui s’est répété ces dernières années, de 34 millions de quintaux en 2016, 60 millions de quintaux en 2018, 27 millions de quintaux en 2020, elle a chuté à 13 millions de quintaux en 2021, contribuant ainsi à gonfler la facture des importations de produits alimentaires. Cette contreperformance s’est produite en dépit de l’extension, ces dernières années, des superficies agricoles et de l’augmentation des investissements en direction du secteur. De tels résultats affichent un dysfonctionnement structurel de l’agriculture algérienne, sa forte dépendance de l’aléa climatique n’a pas été surmontée depuis des lustres.
Il faut noter qu’en 2021, l’Algérie a connu la sécheresse et donc un manque de ressources hydriques qui a empêché la croissance de la production des céréales. Mais il ne faut pas se leurrer, il ne s’agit pas de l’unique raison à cette décroissance de la production céréalière. Dans la série des instructions du chef de l’Etat à l’issue de cet exposé, nous retrouvons, en effet, quelques ingrédients pour inverser la tendance. Le président de la République appelle le gouvernement à agir en vue de multiplier la production en réorientant les efforts dans le secteur agricole dans le Sud. Ces régions s’apprêtent à l’agriculture intensive du fait de la possibilité de disposer de grandes surfaces agricoles et des richesses hydriques au sud-est au sud-ouest, à savoir l’immense nappe aquifère. Mais il s’agit de ne pas gaspiller ces eaux souterraines, en clair, systématiser le goutte-à-goutte. Ce qui n’est pas une mince affaire. Il convient de rappeler que le Sud connaît le phénomène de surconsommation d’eau pour les besoins agricoles au moment où le nord du pays connaît une rareté de l’eau.
La bataille des rendements
Autre ingrédient, gagner la bataille des rendements. En ce sens, le chef de l’Etat appelle aussi à une exploitation optimale des superficies agricoles en vue d’augmenter les rendements. Il somme le gouvernement d’agir pour encourager les professionnels du secteur à utiliser les technologies de pointe utilisées dans les pays développés et de recourir aux drones pour évaluer avec précision les capacités agricoles.
La question des rendements est ainsi cruciale en matière de production agricole tant l’Algérie peine à atteindre un rendement moyen de 30 à 40 quintaux par hectare de céréale contre 60 à 80 quintaux par hectare en moyenne dans les pays développés. Les contraintes pour atteindre ces niveaux de production restent la qualité de la semence, le respect des itinéraires techniques, l’utilisation adéquate des engrais.
Quant aux viandes rouges, le chef de l’Etat somme également le gouvernement de renforcer la production. Là, l’insuffisante offre est encouragée par la flambée et/ou la rareté des aliments du bétail. Dans ce chapitre, l’Algérie est également dépendante de l’importation de cheptels bovins. L’abattage s’effectue en Algérie, ce qui permet d’atténuer le déséquilibre entre l’offre et la demande, mais pas de régler le problème de l’insuffisance de l’offre. Ce qui se répercute sur les prix de la viande rouge qui connaît une flambée des prix actuellement avec une hausse de 200 à 300 dinars par kilogramme.
La désorganisation des circuits de distribution et un nombre insuffisant de marchés de gros pour la viande rouge encouragent ces cycliques hausses des prix obligeant la majorité des ménages à s’orienter vers la consommation de viande blanche ou à s’abstenir de protéines animales. C’est également la pénurie de lait en sachet et les dysfonctionnements dans la distribution de ce produit qui semble justifier la décision du chef de l’Etat portant réalisation d’une nouvelle usine de production de lait à Alger d’une capacité d’1 million de litres/jour. Une méga usine donc puisque la laiterie de Birkhadem, la principale laiterie de la capitale avec une capacité de 400 000 litres/jour n’arrive pas à couvrir la totalité des besoins de la wilaya d’Alger. La question est de savoir si cette nouvelle usine sera alimentée avec de la poudre de lait importée. Si c’est le cas, cela va accentuer la dépendance de l’Algérie à la poudre de lait importée. Quant à la production locale de lait, elle n’arrive pas à couvrir les besoins. Elle est moins recherchée par les laiteries en raison de son prix.
Tout cela invite à un débat avec des spécialistes pour parvenir à des mesures adéquates pour booster la production de viande rouge et de lait collecté localement, sans quoi il est vain d’atteindre la sécurité alimentaire attendue. N’omettons pas enfin de signaler que la problématique de la sécurité alimentaire en Algérie est liée également à un changement de mode de consommation alimentaire, du blé dur produit davantage en Algérie au lieu du blé tendre, de la diminution de la consommation de pain et de sucre pour un régime alimentaire plus sain ainsi que la substitution partielle de la viande rouge par d’autres protéines animales.