Le phénomène des agressions contre les pharmaciens connaît un nouvel épisode violent avec l’attaque par une bande lourdement armée d’une pharmacie d’officine dans la ville frontalière de Timiaouine, dans la wilaya de Bordj Badji Mokhtar.
Par Sihem Bounabi
Lors de cette attaque, qui s’est déroulée le 16 janviers dernier, le pharmacien a été violemment agressé physiquement et ligoté sous la menace d’armes à feu. Les assaillants, en plus d’avoir dévalisé le stock de médicaments, ont volé une importante somme d’argent et le matériel de télésurveillance et informatique de la pharmacie.
Suite à cette agression, le Syndicat nationale des pharmaciens d’officine (SNAPO) a condamné et dénoncé cette « violente attaque » contre la pharmacie et exprimé toute sa « solidarité » avec le pharmacien agressé, alors qu’« il accomplissait son noble devoir professionnel en fournissant des médicaments aux citoyens de la région », a indiqué un communiqué du Snapo parvenu à la rédaction. L’organisation syndicale lance également un appel aux « autorités compétentes pour le renforcement des mécanismes juridiques et de sécurité pour la protection des pharmaciens ».
Contacté par Reporters, le président du Snapo, Dr Messaoud Belambri, a réitéré son « appel aux hautes autorités pour assurer la sécurité des pharmaciens, durcir les peines des agresseurs et renforcer la législation afin que justice soit rendue et que la loi protège les pharmaciens ».
Il souligne à propos de l’agression de Timiaouine que les services de sécurités se sont saisis de cette affaires et une enquête a été ouverte » et que le syndicat a « informé le ministère de la Santé qui nous a promis d’intervenir auprès des autorités locales pour améliorer la situation et retrouver rapidement les agresseurs ».
Dr Messaoud Belambri a également indiqué qu’un représentant du Syndicat a été dépêché sur place pour s’enquérir de « l’état de santé du pharmacien ». « Malheureusement sur le plan moral, physique, financier et matériel, c’est un coup terrible pour ce pharmacien qui est fortement traumatisé physiquement et moralement », a-t-il fait savoir. Notre interlocuteur affirme que le pharmacien agressé est « toujours sous le choc. Craignant pour sa vie, il envisage même à fermer son officine et quitter la région, même si cela va porter atteinte à la couverture sanitaire et l’accès aux médicaments des citoyens de la région. Il nous affirme n’avoir pas le choix face au risque qu’une telle agression se reproduise. » Le président du Snapo se désole que malgré tous les efforts déployés pour encourager les pharmaciens à s’installer dans les régions retirées et enclavées, ces derniers se plaignent de nombreux problèmes, les poussant souvent à baisser rideau.
Des agressions quotidiennes et de plus en plus violentes
Il précise à ce sujet que « dans les régions isolées, les pharmaciens sont victimes d’agressions sous toutes ses formes, en raison d’un manque de sécurité. Ils font également face à un problème d’approvisionnement, puisque les grossistes et distributeurs ne couvrent souvent pas ces zones enclavées, ce qui conduit les pharmaciens eux-mêmes à parcourir de longues distances pour assurer la disponibilité des médicaments. »
Le président du Snapo tient à rappeler que ces dernières années, le « climat d’insécurité dans lequel travaillent les pharmaciens continue à s’aggraver de jour en jour avec pratiquement des agressions enregistrées quotidiennement dans les différentes régions du pays ». Il souligne que ces agressions, qui « prennent des formes de plus violentes », sont à l’origine de « la mort de trois pharmaciens ces dernières années. D’autres pharmaciens ont été sauvés in extremis après avoir été agressés à coup de poignards, de sabre ou pire de tentative de les brulés vifs ».
Dr Messaoud Belambri tient à souligner que « nous exerçons dans des conditions très difficiles sur le plan sécuritaire et les pharmaciens sont souvent ciblés et exposés aux agressions ».
« Pratiquement 65% des employés des pharmacies sont des femmes qui sont souvent agressées verbalement et même physiquement en plus de nombreux cas récurrents de détérioration des vitrines ou du matériel des pharmacies ».
Face à ce phénomène qui prend des dimensions de plus en plus inquiétantes, le président du Snapo relance pour la énième fois son appel aux autorités compétentes : « Il faut que les pharmaciens se sentent protégés sur le plan légal à travers le durcissement des sanctions contre les agresseurs, mais également sur le plan pratique par le renforcement de la sécurité autour des pharmacies, notamment en multipliant les rondes des services de sécurité et la mise à la disposition des pharmaciens des numéros verts pour une intervention rapide des services concernés ». Au final, il tient à souligner que « les pharmaciens continuent à faire leur devoir même dans des conditions difficiles, mais il faudrait que l’Etat les accompagne en leur garantissant un minimum de sécurité ». n