La collusion entre les groupes armés et le crime organisé contribue à l’affaiblissement des Etats et au pillage des ressources

Par Anis Remane
Vendredi 8 octobre 2022, le président de la commission de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) a affirmé que 48 % des pertes de vies humaines en Afrique subsaharienne ont pour origine le terrorisme. Abdoulaye Diop intervenait lors de la 5e réunion du comité de haut niveau sur le chantier paix et sécurité de l’UEMOA, à Dakar, la capitale sénégalaise.
« L’Afrique subsaharienne enregistre 48% du nombre total de décès dus au terrorisme, et c’est au Sahel que l’on compte les groupes terroristes à la croissance la plus rapide et les plus meurtriers », a soutenu M. Diop, reprenant les données du rapport de l’indice mondial du terrorisme. « Les pays de l’UEMOA sont parmi les plus touchés par le terrorisme », a-t-il ainsi regretté.
D’après le rapport de l’indice mondial du terrorisme publié en mars 2022, trois des quatre pays ayant la plus forte augmentation du nombre de décès dus au terrorisme se trouvent dans la zone UEMOA. Il s’agit du Niger, du Burkina Faso et du Mali. La République démocratique du Congo étant l’autre pays du quatuor. « L’organisation Daech remplace les talibans en tant que groupe terroriste le plus meurtrier au monde en 2021, avec 15 morts par attentats au Niger », a aussi relevé le document qui rappelle qu’en 2021, 7 142 décès dus au terrorisme ont été enregistrés dans le monde. « Bien que les attaques terroristes mondiales aient augmenté pour atteindre 5 226 en 2021, les décès ont légèrement diminué de 1,2 % », a précisé en outre le rapport. Jeudi 6 octobre 2022, devant le Conseil de sécurité jeudi, Ghada Waly, Directrice exécutive de l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC), a, pour sa part, décrit la collusion qui existe entre des groupes terroristes et le crime organisé en Afrique subsaharienne, un phénomène qui contribue au pillage des ressources naturelles et à l’instabilité. Pour Ghada Waly, « la menace que représentent le terrorisme et le crime organisé s’installe durablement en Afrique ». Elle a rappelé que les 3 500 victimes de terrorisme l’année dernière sur ce continent représentent la moitié du bilan mondial de ces attaques. Elle a confirmé que le Sahel subit en particulier les assauts de groupes terroristes parmi les plus actifs et les plus meurtriers du monde, « tant en attaque qu’en stratégie de recrutement ».
Lors de cette réunion du Conseil consacrée au renforcement de la lutte contre le financement des groupes terroristes et armés par le trafic illicite des ressources naturelles en Afrique, Mme Waly a présenté de nouvelles initiatives de coopération transfrontalière, de soutien aux autorités judiciaires et à la société civile. La cheffe de l’ONUDC a jugé essentiel de mieux appréhender les liens entre crime organisé et terrorisme en Afrique, et pour cela, d’accumuler les données et les preuves permettant de mettre en œuvre des politiques efficaces en particulier face à l’exploitation illégale des minerais comme l’or, l’argent et les diamants qui constituent une source de revenus importantes pour les groupes armés et terroristes.
Ces trafics profitent à d’autres groupes qui rivalisent pour le contrôle lucratif des territoires d’extraction ou des routes de contrebande. Ces revenus s’ajoutent à ceux déjà obtenus par l’extorsion ou l’imposition illégale des populations et leur permettent d’acquérir des armes qui pérennisent leur mainmise sur les zones de conflits. Grâce à ses recherches, indique un communiqué, l’ONUDC est en mesure de travailler avec les Etats membres pour prévenir et combattre des crimes qui menacent l’environnement, qu’il s’agisse d’exploitation minière illicite, de trafic de métaux précieux, de déchets ou de crimes contre la faune sauvage, les forêts et les pêches.
L’or extrait illégalement, une fois écoulé sur le marché régulier, génère d’énormes profits pour les trafiquants. Fin 2020, l’ONUDC et Interpol ont ainsi coordonné une opération anti-armes à feu qui a permis de saisir 40 000 bâtons de dynamite et cordons détonateurs, tous destinés à l’extraction illégale d’or pour des groupes terroristes armés au Sahel. Autre source de financement, le trafic d’espèces animales sauvages et le commerce illégal de l’ivoire qui prodigue chaque année à lui seul 400 millions de dollars de revenus aux groupes armés.
Aux yeux de l’ONUDC, cette exploitation criminelle prive l’Afrique, dont 500 millions d’habitants sur un total d’1,3 milliard vivent dans une extrême pauvreté, d’une source importante de revenus, et constitue une spoliation pour les millions de personnes qui dépendent de ces ressources naturelles pour leur subsistance, alimentant ainsi les conflits et l’instabilité.
(Sources Agences, ONU info.)