Le huitième vendredi de contestation populaire aura connu une sérieuse alerte. Les heurts entre les services d’ordre et les contestataires ayant émaillé le mouvement, notamment à Alger, auront démontré une nervosité, voire un pic de tension qui risque de compliquer une situation déjà tendue.

Des organisations de la société civile ont exprimé leur inquiétude d’un durcissement de la police face aux manifestations, après ces heurts. Le mouvement populaire appelé communément «Hirak» est souvent critiqué pour n’être qu’un vaste mouvement sans boussole et incapable de faire émerger des représentants crédibles prêts au dialogue. Certaines initiatives pour organiser le mouvement commencent justement à émerger dans le but de se présenter comme force de proposition face à une situation qui tend vers l’impasse. Le journaliste et militant des droits de l’Homme Arezki Aït-Larbi a, dans un texte au nom du Collectif liberté citoyenneté, appelé à la préservation de la paix civile qui passe par «l’adhésion de tous les acteurs politiques à une charte des libertés – toutes les libertés individuelles et collectives – qu’aucune majorité électorale ne saurait remettre en cause. L’Etat est le garant des libertés de chaque citoyenne et de chaque citoyen, sans exclusive. S’excluront d’eux-mêmes ceux qui s’érigeront en censeurs des libertés d’autrui. La dignité citoyenne exige l’égalité des droits pour tous ; elle rejette toute forme de discrimination basée sur le genre, l’origine ethnique, la couleur de la peau, l’identité, la langue, la religion», note le texte en question qui se veut le plus consensuel possible. Il souligne que «la société algérienne est plurielle. La diversité de nos convictions politiques, philosophiques et religieuses, la pluralité de notre identité, de notre culture, et de nos langues sont des richesses à promouvoir, et non des menaces à combattre», appelant au prolongement des manifestations en cours, et à la multiplication des débats citoyens pour élargir les espaces de libertés.
Comités citoyens
Une autre initiative a vu le jour, portée par un groupe d’universitaires, de journalistes et de militants qui ont rendu public un «appel au peuple algérien pour la formation de Comités citoyens pour une transition démocratique». Pour ce faire, ce «Comité de citoyens libres pour la transition démocratique» s’engage à faire des propositions pour le changement pacifique et la désignation des représentants du Hirak «qui seront chargés de porter notre voix en association avec les délégués des autres comités et conseils citoyens». Ils estiment urgent de créer les cadres intérimaires qui «permettront de fixer les modalités de la marche vers la démocratie et de nommer des représentants et des délégués dûment mandatés pour proposer et débattre des étapes de cette transition cruciale». Les représentants investis de cette mission doivent «incarner l’avancée des formes de l’action politique vers une dimension éthique, nourrie de désintéressement et du sens de l’intérêt général».
Ce qui permettra aux citoyens de choisir «leurs délégués loin de toute manipulation ou influence ou conditionnement médiatique». Cette initiative avertit contre toute tentative de récupération insistant sur la capacité du mouvement à puiser sa force de l’intérieur. «Cette capacité d’auto-organisation, qui est une caractéristique fondamentale du mouvement populaire, est non seulement le garant d’une efficacité de sa représentation, mais aussi un moyen de contre-pouvoir et de délibération collégiale permettant de contrecarrer les inévitables tentatives de récupération ou d’instrumentalisation contre-révolutionnaires», préviennent les initiateurs. Cet appel suggère aux conseils de délibération de chaque organisation, conseil ou comité populaire de mandater des représentants, qui rendront des comptes en permanence à leurs conseils respectifs en choisissant la dénomination et la forme qui lui convient. Pour un maximum d’adhésion, les plateformes sur les réseaux sociaux devraient constituer, selon ce texte, les moyens de communication appropriés.n