Le troisième jour d’audience du procès en appel de l’affaire Tahkout a été marqué, hier matin, par les auditions de plus d’une dizaine de témoins par le juge de la Cour d’Alger. La justice revenant, en effet, sur les différentes accusations de corruption et de trafic d’influence qui auraient entaché les projets économiques et les marchés publics remportés par l’ancien homme d’affaires.
Mahieddine Tahkout, condamné en première instance par le Tribunal de Sidi M’Hamed à 16 ans de prison ferme et à une amende de 8 000 000 dinars, avait notamment obtenu de très importants marchés de location d’autobus avec l’Etusa et les œuvres universitaires de plusieurs wilayas. En plus de plusieurs concessions agricoles et industrielles. En ce sens, questionnés hier en leur qualité de responsables administratifs au niveau local, les témoins, pour la plupart «directeur de l’industrie et des mines» au moment des faits, sont tour à tour revenus sur les projets industriels de l’ex-homme d’affaires. Le jugement de «l’affaire» s’attardant entre autres sur la question de la location des autobus aux œuvres universitaires. Le principal soupçon de la justice porte pour rappel sur d’éventuels détournements de fonds publics et échange de «commissions», au travers de marchés artificiellement gonflés. Des accusations que les déclarations des témoins, notamment de l’ancien responsable au niveau de Tipasa, n’ont toutefois pas prouvé, «70 bus auraient été loués au niveau de la wilaya» conformément à la législation. Quant aux projets agricoles et industriels cités hier, il s’agit notamment de «23 lots» de foncier près de la ville d’Ali-Mendjeli à Constantine, pour la réalisation d’un «parc de stationnement, d’un showroom ainsi que d’une station de refroidissement». Des projets réalisés pour certains, alors que d’autres sont restés à l’état de chantier, «seul le mur d’enceinte a été construit pour la station de refroidissement». Le témoin, Bachir Sahraoui, Directeur de l’industrie et des mines de Constantine, explique toutefois que ces «entreprises n’ont jamais reçu d’avantages». Même situation, mêmes réponses et mêmes soupçons «d’irrégularités» pour le projet de montage automobile dans la wilaya de Saïda, le Procureur faisant savoir que les «travaux avaient commencé avant même que la demande de permis de construire ne soit déposée».
Audition des témoins qui a ainsi été l’occasion pour le juge d’énumérer certains éléments retenus dans le dossier d’accusation. Il a fait état d’une très éphémère concession agricole accordée à Bilal Tahkout (frère du principal accusé) dans la wilaya d’El Bayedh. Huit mille hectares accordés en 2016 avant que le projet ne soit «annulé» en 2019.
L’Affaire Tahkout qui pose ainsi la question des liens d’intérêts qui auraient existé entre l’homme d’affaires et les anciens responsables décisionnaires.
Le procès avait été marqué, la veille, par l’audition des deux anciens ministres Abdelghani Zaalane et Amar Ghoul, au sujet notamment de la passation des marchés de transport. M. Zaalane a nié tout lien avec la convention signée entre l’Entreprise publique du transport urbain et suburbain d’Oran (ETO) et l’entreprise de Tahkout, pour la location de bus. Affirmant toutefois qu’en sa qualité de wali d’Oran, il avait donné son accord pour trouver des solutions pratiques aux habitants des nouvelles cités qui venaient d’être relogés. L’ancien ministre Amar Ghoul a reconnu, quant à lui, avoir octroyé à Tahkout un contrat de «concession portuaire» et un terrain au sein du port de Skikda, soulignant que les activités de Tahkout s’exerçaient «en dehors» de la structure. La deuxième journée du procès avait, par ailleurs, été l’occasion de revenir sur le marché d’affrètement de bus conclu au profit de l’Etusa. n