Le nouveau président Abdelmadjid Tebboune a nommé, hier, Abdelaziz Djerad au poste de Premier ministre. Le choix porté sur cet universitaire et académicien n’est pas anodin. Abdelmadjid Tebboune avait souligné que l’une de ses premières urgences était de tenter de regagner la «confiance» du peuple, car celle-ci s’était beaucoup érodée ces dernières années suite à la mauvaise gouvernance par laquelle se sont illustrés les précédents gouvernements.
Or, sans cette confiance, certaines réformes, si nécessaires dans la conjoncture actuelle, faut-il le souligner, sont difficiles à vendre pour une population, dont la méfiance envers le gouvernant n’a jamais atteint des seuils aussi problématiques. Ces réformes sont essentiellement économiques et socioéconomiques. Certaines d’entre elles sont forcément impopulaires. Face au creusement des déficits budgétaire et courant, la baisse de la croissance et le déclin de l’investissement, ainsi que la hausse du taux de chômage, le prochain gouvernement sera confronté à des choix complexes, dont certains porteront sur l’impératif de réduire les déficits et les dépenses, alors que l’apport de la planche à billets en argent frais, seul parechoc financier disponible, a été suspendu, car la dette interne étant pesante et l’effet retour de manivelle serait préjudiciable avec des tirages encore plus importants que ceux opérés jusqu’ici. Discret depuis l’élection du 12 décembre dernier, exception faite de sa sortie inaugurale de la Foire de la production algérienne, le nouveau Président vient de signer son premier acte politique en désignant un Premier ministre, en attendant la formation d’un Exécutif qui devra succéder au gouvernement des affaires courantes, dirigé par Nouredine Bedoui depuis mars dernier. Au plan de l’action, il était plutôt le gouvernement des dossiers complexes. Il avait fait valider une loi de finances 2020 qui acte le retour du pays à l’endettement extérieur, suspendu la production monétaire et révisé la règle dite 51/49. Mais pas seulement. Le gouvernement des affaires courantes a osé toucher à la sacro-sainte loi sur les hydrocarbures, en faisant valider une nouvelle loi et modifié la loi organique des lois de finances. Le gouvernement Abdelaziz Djerad avancera sur un terrain quelque peu déminé, mais reste confronté à plusieurs défis dont la réduction des déficits, la redynamisation de l’activité économique, dont l’investissement privé et public connaît l’un de ses pires moments, et la lutte contre un chômage menaçant, essentiellement chez les jeunes catégories parmi les diplômés des universités. Au plan des équilibres extérieurs, le déficit de la balance des paiements est une bombe à retardement car, en plus de son impact négatif sur les réserves de change – qui sont désormais à moins de 70 milliards de dollars contre près de 194 milliards de dollars à la mi-2014 – elle pourrait précipiter l’Algérie dans l’endettement extérieur, seule option dont dispose le gouvernement pour faire face à l’amenuisement des ressources et à l’impératif de ne pas gripper la machine de l’investissement. C’est dire que l’Algérie post-élection du 12 décembre reste confrontée à des défis majeurs, en raison, d’abord, de l’état de fragilisation des positions financières internes et externes, mais aussi de la faiblesse des prix pétroliers. Le ralentissement de l’activité économique constitue lui aussi une véritable bombe à retardement car il précarise davantage le marché de l’emploi et augmente le nombre des effectifs affectés par le chômage. Le futur gouvernement d’Abdelaziz Djerad dispose, qu’on le veuille ou pas, d’une marge de manœuvre réduite, étant donné qu’il n’a plus de pare-chocs financiers à sa disposition après le tarissement des avoirs du FRR et la mise en veilleuse de la planche à billets qui offrait un répit à l’économie du pays. En définitive, il va falloir accélérer rapidement les réformes, réduire les dépenses et remettre en marche l’appareil de production nationale, très fragilisé par l’instabilité des lois, la crise politique et l’inconséquence de certaines mesures prises par les précédents gouvernements.