Le Syndicat nationale algérien des pharmaciens d’officine (Snapo) lance l’alerte sur la multiplication des opérations de dons de médicaments, en expliquant que même si la majorité des donateurs sont de bonne foi, cela risque de déstabiliser le circuit du médicament et d’accentuer ainsi les tensions et la pénurie sur les traitements qui sont les plus demandés dans le contexte de l’augmentation des contaminations à la Covid-19.
Par Sihem Bounabi
En effet, le Snapo explique qu’«en ces temps difficiles, et où certains médicaments se font rares, des opportunistes ne trouvent pas mieux que de profiter de la détresse des citoyens en jouant aux bons samaritains, cherchant à faire le buzz sur leurs pages facebook et les réseaux sociaux, en proposant des médicaments aux citoyens sous prétexte de venir en aide aux malades nécessiteux».
Il est expliqué que la majorité de ces personnes obtiennent ces médicaments en faisant le tour des pharmacies, avancent divers arguments (parents en situation grave, malades hospitalisés ne trouvant pas le médicament, etc.), jusqu’à faire un stock et poster des photos sur le net. Il est également ajouté que «surfant sur la vague de la détresse des malades, un marché noir de ces médicaments a vu le jour dans le contexte de cette troisième vague et où certains revendent ces médicaments à prix prohibitifs (ex : Lovenox à 8 000 DA), d’autres les proposent gratuitement, mais c’est seulement pour faire de la publicité à leur commerce en se faisant un nom sur les réseaux sociaux et parmi la population et cherchant juste à s’attirer plus de clients».
Face à ces dérives, les services de sécurité sont en train de renforcer les contrôles, affirme le Snapo. Lundi dernier, deux individus ont été signalés aux services de sécurité et font l’objet de poursuites pour «détention et commerce illégaux des produits pharmaceutiques». Ils ont été présentés devant le procureur et comparaîtront demain devant le juge», ajoute le Snapo.
Le président du Snapo, Messaoud Belambri, nous a confirmé, hier, cette interpellation en indiquant que d’autres enquêtes sont ouvertes sur ce genre de pratique. Il ajoute qu’un appel a également été lancé à tous les pharmaciens afin de signaler ces pratiques à la police ou à la gendarmerie, afin de «mettre fin à ces dérives et pratiques illégales».
Il explique également la démarche du syndicat, en soulignant que «par souci de sécurité sanitaire, il était important d’alerter sur ce genre de pratique qui, même si elle démarre d’une bonne intention, ne fait qu’accentuer la crise du médicament et met la santé des citoyens et la profession en danger».
Messaoud Belambri précise ses propos en soulignant que «certes il y a des personnes de bonne foi qui veulent aider les malades, mais il faut laisser les médicaments aux gens du métier, c’est-à-dire les professionnels de santé qui sont des pharmaciens et qui sont chargés par la réglementation de fournir ces produits pharmaceutiques et les compléments alimentaires comme la vitamine D3 aux citoyens, afin d’éviter les nombreuses dérives constatées et qui pénalisent les malades».
Il ajoute également qu’«il y a beaucoup de personnes qui publient sur les différents réseaux sociaux qu’ils détiennent des stocks de médicaments et qu’ils veulent aider les malades. Mais il faut que les citoyens prennent conscience que le fait de stocker des médicaments pèse lourdement sur la disponibilité de ces médicaments en officine pour les vrais malades, créant ainsi une tension et une pénurie sur certaines familles thérapeutiques».
Le président du Snapo explique ainsi que ces personnes ont obtenu ces médicaments en puisant dans le stock qui est disponible et qui est censé être distribué en pharmacie. Il affirme dans ce sillage que «tous les médicaments qui sont disponibles en dehors du circuit réglementé ont été obtenus soit au niveau des hôpitaux, soit au niveau des grossistes ou des pharmacies, car il n’y a pas d’autres sources, à moins d’être importateurs ou producteurs». Martelant que «c’est un détournement et une dilapidation des stocks disponibles sur le territoire national».
Notre interlocuteur se désole aussi du fait que «des pharmaciens, des producteurs et même des distributeurs se font arnaqués en pensant bien faire, par humanisme. Mais au final, ce n’est pas rendre service car cela «va encore plus accentuer la tension et la pénurie des médicaments», déplore-t-il.
Il explique que le circuit des médicaments est convenablement encadré et réglementé : l’importateur, le producteur, le distributeur qui approvisionnent le pharmacien, pour les malades hospitalisés puis obtiennent leurs médicaments directement de la pharmacie centrale.
Le Snapo lance ainsi un appel aux personnes de bonne foi qui veulent vraiment aider les malades et qui ont un stock chez eux, qu’ils le remettent aux pharmaciens de proximité en qui ils ont confiance et qui vont les remettre aux malades qui en ont vraiment besoin comme cela s’est toujours fait.
Au final, Messaoud Belambri tient encore une fois à mettre en lumière la pertinence de l’appel du Snapo pour alerter sur le revers de la médaille des opérations de dons de médicament en expliquant que «si ces bienfaiteurs sont des importateurs ou des producteurs qui apportent un plus par le circuit légal, c’est une bonne chose, mais ces opérations de dons se font sur les stocks déjà existants».
Sur le marché national des médicaments, cela a inévitablement un impact négatif qui va créer la pénurie et en plus détourner le flux normal des médicaments. Ce qui fera plus de mal que de bien aux malades qui ont un besoin crucial en médicament». n