La question des détenus d’opinion a pris, jeudi, un véritable coup d’accélérateur marqué par la « libération provisoire » pour plus de 70 détenus dans un rebondissement très significatif dans le traitement du dossier, que s’il n’a pas été attendu, a donné de la joie aux concernés et à leurs proches. Pour le commun des Algériens, cela fait partie des gestes et signes d’apaisement attendus depuis plusieurs mois de la part des autorités, notamment depuis la main tendue du président Tebboune.
En effet, 76 détenus d’opinion ont bénéficié, jeudi dernier, de l’ordonnance de « liberté provisoire », rejetée jusque-là pour tous les détenus d’opinion dans plusieurs tribunaux du pays. Cinquante et un l’ont été à El Harrach (Alger), deux dans chacune des wilayas d’Oran, Tlemcen, Tipasa, Tiaret et El Tarf, quatre à El Oued, six à Chlef, un à Boumerdes et un autre dans la wilaya de Tissemsilt. Le procès de ces derniers est programmé à partir du 13 février prochain, apprend-on du Collectif des avocats de la défense. Ils seront ainsi poursuivis en état de liberté.
Si la libération provisoire a suscité l’euphorie chez les amis et familles des détenus, elle a été perçue d’un mauvais œil par les juristes, qui trouvent que l’arrestation et la libération des mis en cause relèvent de « l’arbitraire ». « Aucune procédure n’a été respectée depuis leur incarcération à leur remise en liberté », dit un avocat. Plus explicite, il cite le cas du jeune poète, Mohamed Tajadit, condamné récemment par le tribunal de Sidi M’hamed à 18 mois de prison ferme. Juridiquement, Tadjadit ne peut bénéficier de liberté provisoire jusqu’à ce qu’il purge la moitié de sa peine. « On ne peut introduire une demande de liberté provisoire pour quelqu’un de condamné jusqu’à ce qu’il purge la moitié de sa peine, ce qui n’est pas le cas pour Tadjadit », dit un avocat du collectif de la défense. Certains avocats, qui se dirigeaient vers les prisons pour rendre visite à leurs clients, apprennent que les mis en cause seront libérés dans peu de temps.
Le collectif de la défense ignore sur quelles bases les détenus ont été remis en liberté provisoire et pourquoi le leader de l’Union démocratique et sociale (UDS), Karim Tabbou, et le président du Rassemblement Action Jeunesse (RAJ), Abdelouahab Fersaoui, et les deux activistes Fodil Boumala et Samir Benlarbi sont maintenus en détention préventive. La demande de liberté provisoire introduite pour ces activistes a été rejetée. L’ancien moudjahid Lakhdar Bouregaâ, qui a refusé, lors de son audition dans le fond, de répondre aux questions du magistrat près le tribunal de Bir Mourad Raïs, a également, bénéficié de la liberté provisoire. Sa sortie de prison a été chaleureusement accueillie par l’ensemble des Algériens. Son procès, selon un de ses avocats, est programmé pour le 12 mars prochain. Au cours de la même journée, 4 vendeurs de pin’s sont sortis de la prison d’El Harrach après avoir purgé la peine de six mois de prison ferme que leur a infligée le juge de Sidi M’hammed. Selon le Comité national pour la libération des détenus (CNLD), la présidence aurait « instruit la libération des otages », dans une tentative d’apaiser les tensions. Les robes noires affiliés à différents barreaux d’Algérie ont qualifié les détenus du Hirak « d’otages se trouvant entre les mains des teneurs du système ». Selon la corporation des juristes, les libertés d’expression et le droit de prendre part à une manifestation pacifique sont un droit garanti par la Constitution et les lois en vigueur. Les prévenus sont poursuivis entre autres pour « atteinte à l’unité nationale, incitation à l’attroupement, attroupements, incitation à la violence, atteinte à la sécurité de l’Etat, ou démoralisation des troupes de l’Armée en temps de paix ».