Jour printanier en ce début de l’année 2023. Un épisode de chaleur assez long et inhabituel qui relance les inquiétudes des agriculteurs. Et pour cause, les séquences sèches et l’absence prolongée des précipitations, de plus en plus fréquentes, menacent l’ensemble des cultures. Ces évènements imposent d’importants choix et arbitrages pour pouvoir concilier cette donne météorologique avec les défis de sécurité hydrique et sécurité alimentaire.

Par Hakim Ould Mohamed
Il a fait un jour de printemps, hier, 1er janvier 2023, sur l’ensemble du territoire national ; la température atteignant 25° à Alger, alors que plus aucune goutte de pluie n’est tombée depuis maintenant plusieurs jours. L’absence de pluie sur l’ensemble du territoire du pays est une menace réelle pour le secteur de l’agriculture, étant donné qu’elle réduit les capacités d’irrigation, notamment pour certaines cultures, dont les céréales, réputées grandes consommatrices d’eau. C’est un épisode de chaleur assez long et inhabituel pour cette période de l’année, notamment pour les régions nord du pays. C’est un épisode de chaleur qui n’est pas inédit, mais qui se caractérise par sa durabilité et son étendue géographique. Cette première semaine de janvier qui s’annonce est digne d’un mois d’avril. Il est vrai que la situation n’est pas encore critique, tant il est vrai que les céréales n’ont pas encore atteint la taille adulte et l’épi ne s’est pas encore développé, mais au rythme où vont les choses, cette météo capricieuse constitue, à plus forte raison, une menace pour l’ensemble des cultures. Car, selon les agronomes, sans eau, même l’engrais, nécessaire pour la qualité des rendements, ne peut pas alimenter les plantes et restera dans le sol, ce qui limitera les rendements de biens de cultures. Les agronomes en sont conscients, les séquences sèches et l’absence prolongée des précipitations sont des évènements météorologiques de plus en plus fréquents qui affectent toutes les régions du pays. La situation est préoccupante.

Mobilisation optimale des eaux non conventionnelles
Pour l’alimentation en eau potable, le gouvernement a pris ses devant et fait du dessalement une option durable et inévitable. Preuve en est que l’Etat a consacré, durant l’année qui vient de s’écouler, des investissements considérables pour la réalisation de nouvelles stations de dessalement de l’eau de mer afin de renforcer les capacités du pays en matière de mobilisation des ressources en eau.
En attendant la réception de 11 nouvelles stations de dessalement d’eau de mer, qui viendront s’ajouter aux 12 stations déjà opérationnelles pour porter le nombre à 23, la stratégie de l’Etat en la matière est de faire passer le taux de couverture des besoins en eau potable des wilayas du littoral du pays et des régions avoisinantes, à partir des eaux dessalées, de 17% actuellement à près de 42% en 2024, avant d’être porté à 60% en 2030.
Réputé pays semi-aride, l’Algérie n’a de choix que de renforcer ses capacités en dessalement d’eau de mer pour la couverture des besoins en eau potable, sans pour autant perdre de vue la nécessité d’accélérer la mise en place de solutions pérennes au profit du secteur agricole, dont la construction de nouveaux barrages, les forages et le traitement des eaux usagées. En matière de mobilisation des eaux de surface, quatre nouveaux barrages devraient être réceptionnés en 2024, ce qui portera leur nombre à 85 barrages dotés d’une capacité globale de neuf milliards de mètres cubes, contre une capacité de mobilisation estimée actuellement à 6,8 milliards de M3 d’eau.
En tout cas, ces épisodes prolongés d’absence de pluie contraint l’Etat à investir davantage aussi bien dans la mobilisation des eaux conventionnelles que dans les stations de dessalement à des fins d’alimentation en eau potable. L’inquiétude se fait sentir chez les agriculteurs car, pour toute les cultures qui ne sont pas arrivées à maturité, non seulement les céréales, les risques de pertes sont sérieuses.

Repenser la souveraineté alimentaire
Ces évènements météorologiques de plus en plus fréquents imposent par-dessus tout d’importants choix et arbitrages pour pouvoir concilier cette météo avec les défis de sécurité hydrique et sécurité alimentaire. Il s’agit là de repenser les termes de la sécurité alimentaire, en investissant plutôt dans l’équilibre de la balance agricole, dans les conditions de meilleurs rendements, en mobilisant davantage les eaux de surface et les eaux souterraines et en y canalisant un bon volume au profit de l’agriculture. Les enjeux de la production et la transformation locales des produits agricoles sont multiples, allant d’une simple couverture des besoins et de l’approvisionnement du marché domestique à la diversification de l’économie et des sources en devises à travers l’export, contribuant ainsi à rétablir la balance agricole et, plus globalement, la balance commerciale du pays. C’est ainsi que la souveraineté alimentaire se construit. C’est une approche défendue d’ailleurs à cor et à cri par l’Exécutif qui a maintes fois affiché une ferme volonté en faveur de l’amélioration de l’offre domestique en biens et services afin de pouvoir renforcer la résilience de l’économie algérienne face aux chocs externes de plus en plus nombreux. Quant à la sécurité hydrique, celle-ci, force est de constater, ne viendrait plus de la capacité à mobiliser les eaux de surface, étant donné la fréquence et la durabilité des épisodes de chaleurs et/ou d’absence prolongée des pluies, mais de la capacité à renforcer le réseau de stations de dessalement d’eau de mer.