Reporters : Comment évaluez-vous les conditions dans lesquelles se préparent les examens nationaux, notamment ceux du BEM qui débuteront ce lundi 7 septembre ?
Abdelouahab Lamri Zegar : Nous savons tous que la tutelle a mis en place un protocole sanitaire pour la prévention contre la propagation du Coronavirus, qui est approuvé par le ministère de la Santé. Sur le plan théorique, l’application de ce protocole est largement suffisante pour assurer un bon déroulement des examens avec un risque zéro de contaminations. Mais en ma qualité de connaisseur du secteur, je ne pense pas que ce protocole soit appliqué et respecté dans tous les établissements scolaires, faute de moyens matériels et humains. Certains établissements n’ont malheureusement pas de quoi imposer le respect des dispositions et recommandations contenues dans ledit protocole sanitaire.
Qu’est-ce que vous avez relevé comme dysfonctionnement ?
Le ministère n’a pas multiplié le nombre de centres d’examens comme de nombreux syndicats d’enseignants le lui avaient suggéré. Et beaucoup de déclarations officielles ne sont destinées qu’à la consommation médiatique. J’ai contacté quelques intendants et chefs de centre d’examen qui m’ont fait part de leurs préoccupations. Dans certaines écoles, le nombre de candidats par classe atteindra les 20, alors que le protocole sanitaire impose de le limiter à 15 par classe. Ajoutons à cela que des établissements scolaires ont amputé leur budget annuel consacré au fonctionnement de la prochaine année scolaire pour se procurer, à titre d’exemple, les produits de désinfection.
Depuis que le budget de l’Education a subi une importante baisse en 2018, des établissements scolaires connaissent des difficultés de gestion. Ces écoles seront-elles prêtes pour la reprise en octobre prochain dans le cas où la crise sanitaire perdure ?
C’est une rentrée scolaire qui sera exceptionnelle. Et il sera difficile pour les directeurs d’école de gérer cette rentrée pédagogique, notamment sur le plan organisationnel. Les écoles sont tenues de réduire à 20 le nombre d’élèves par classe, sans qu’on nous communique quelle stratégie suivre pour appliquer ces dispositions.
Avant de déclarer un BEM facultatif, les syndicats d’enseignants avaient fait part de leur crainte d’un éventuel décrochage scolaire. Avez-vous une appréciation sur la manière dont les révisions ont été effectuées ?
Ce qu’il faut savoir, c’est que ce n’est pas la totalité des candidats concernés par les examens nationaux qui ont assisté aux séances de révisions. Il y a des établissements scolaires où, à la surprise des enseignants, un fort taux d’absentéisme a été enregistré. Dans certaines écoles, uniquement 4%, 10% ou 20% des candidats se sont rendus aux écoles le 25 août pour les séances de révisions. Pis encore, nombre de candidats d’après les enseignants ont été impactés négativement par cette crise sanitaire et la coupure de six mois, sachant que ces enseignants ont assuré toutefois une mission pédagogique et psychologique pour motiver les candidats.
D’autre part, l’Unpef reproche au ministre son ton menaçant envers les candidats à la veille d’un examen important au lieu de les rassurer. Ouadjaout a indiqué que les tricheurs risquent des poursuites judiciaires, alors qu’on aurait pu se contenter, comme à l’accoutumé, de mesures disciplinaires et de sanctions administratives pour punir les fraudeurs, qui sont des adolescents et qu’on ne peut traîner en justice.
Croyez-vous à la pertinence de l’enseignement à distance ?
L’Algérie est un pays qui souffre d’un faible débit et de coupures Internet. La lenteur du débit nous laisse imaginer dans quelles conditions peuvent se dérouler des cours à distance, sans compter que nombre d’élèves ne disposent pas d’ordinateur ou de connexion Internet à domicile et vivent dans les régions suburbaines ou zones rurales sous-équipées. Je me demande donc, si on peut réellement envisager un rattrapage de plusieurs mois de confinement total à travers des cours à distance. Vous devriez également savoir que des élèves n’ont pas eu accès à la chaîne publique «al maarifa» consacrée à l’enseignement à distance, et ce, par manque de moyens. n