L’expert architecte cite le cas de nombreuses constructions qui ne respectent pas les règles parasismiques et les lois en matière d’urbanisme contribuant à la vulnérabilité de l’Algérie face aux séismes.

Par Khaled Remouche
La situation concernant les vieux et nouveaux bâtis reste préoccupante. Le terrible séisme qui a frappé la Turquie et la Syrie constitue un véritable avertissement à l’Algérie. Pour Abdelhamid Boudaoud, si un séisme d’une telle intensité frappe l’Algérie, ce sera une grande catastrophe. Le littoral algérien particulièrement est situé dans une zone sismique très active. L’Algérie n’est donc pas à l’abri d’un séisme de forte intensité. « Il n’y a qu’à jeter un oeil sur la manière dont ont été construits nombre de logements », a-t-il d’amblée commenté. Hormis quelques anciennes habitations qui ont été bien faites et restent solides, plusieurs autres logements, dont de nouvelles habitations et elles sont nombreuses, ont été construits en violation de la réglementation et des règles parasismiques. La première infraction constatée par l’expert architecte est la réalisation de constructions R+6, alors que ce qui est permis est le R+4. Il ajoute que de nombreuses constructions ont été réalisées sans étude du sol ou sur la base de mauvaises études de sol. De nombreux programmes de réalisation de 1000 ou 3000 logements ont été lancés après seulement un mois ou au mieux quelques mois d’étude, alors que le minimum pour réaliser ces études est de 2 ans, soit 24 mois minimum pour réaliser l’étude de sol, l’étude de génie civil et l’étude architecturale. Il pose également la problématique de la mauvaise qualité des matériaux de construction ou d’un dosage insuffisant de ces matériaux dans beaucoup de programmes de construction de logements financés par l’Etat. Il cite également l’octroi des marchés à des entreprises qui n’ont pas les qualités professionnelles pour mener des chantiers d’une telle ampleur. Autre élément important de cette vulnérabilité de l’Algérie face aux séismes : la construction sur ou à proximité des sols marécageux, des oueds à sec ou non, à proximité des canalisations de gaz et/ou d’autres infrastructures énergétiques. Si on recense ces constructions uniquement sur des sols très fragiles, elles occupent l’équivalent de villes entières. Pour lui, avec de telles fragilités, nos villes ne pourraient résister à un séisme de plus de 7 sur l’échelle de Richter. Dans la foulée, l’expert architecte cite le non-respect des lois dans la construction. Il ajoute que la loi 90-29 stipule que le wali, le président d’APC et le technicien en urbanisme de l’APC doivent examiner les plans de construction après l’octroi du permis de construire pour vérifier si le constructeur suit les règles d’urbanisme dans ses travaux.

Pas de suivi des plans de construction
Cette disposition, souligne-t-il, n’est malheureusement pas respectée. Idem pour une disposition similaire dans la loi 04-05 sur la construction. En d’autres termes, dira-t-il, il n’y a pas un suivi de la construction par l’administration concernée. Il citera également les mauvais plans d’occupation des sols (Pos) parce que faits hâtivement ou par une écoute insuffisante de l’avis des architectes par la commune. Il évoque également la mainmise de l’administration sur les bureaux d’étude dans le domaine de la conception de certaines de ces POS, voire dans la construction des programmes de logements publics. Abdelhamid Boudaoud déplore également le manque de ressources humaines techniques, notamment dans ce domaine, à l’échelle des collectivités locales. La construction pose également la problématique de la culture du citoyen dans son projet de construction. Il n’accorde souvent pas un grand intérêt à la conception. Tout cela renvoie au métier d’architecte qui est peu valorisé en Algérie, a-t-il observé. Abdelhamid Boudaoud reconnait également qu’aucune étude d’impact n’a été réalisée après le financement de la Banque mondiale accordé à l’Algérie suite au séisme de Boumerdes pour réduire la vulnérabilité du vieux bâti à Alger. Ce qui donne une idée peu claire sur les progrès de réhabilitation de ce bâti afin d’améliorer sa résilience aux séismes. Il ajoute que le Collège national des experts architectes (CNEA) a organisé 120 séminaires pour sensibiliser les pouvoirs publics et les citoyens sur ces questions très sensibles. Mais, il n’y a pas eu, selon lui des réponses, de la part des autorités. En conclusion et afin de renforcer cette résilience, l’expert architecte préconise l’élaboration d’études d’habilitation des constructions, le renforcement des règles parasismiques adoptées en 2003, d’assurer le suivi de la réalisation des logements et de leur conformité aux règles d’urbanisme et aux règles parasismiques, de poursuivre l’identification des logements fragiles et leur renforcement en impliquant les architectes. Il suggère même la démolition des logements implantés dans des terrains très fragiles, à proximité des oueds ou sur des oueds secs, ceux à proximité des canalisations d’hydrocarbures, ceux qui ne respectent pas les règles d’urbanisme ou construits sans permis de construire. Encore faut-il prévoir, nous semble-t-il, des solutions aux « indus propriétaires ». La veille, le professeur Abdelkrim Chelghoum, président du Club algérien des risques majeurs et directeur de recherches à l’USTHB, avait également affirmé, sur les ondes de la radio nationale, que le seul moyen de réduire les dégâts d’un séisme demeure son anticipation par l’adoption de bâtisses et ouvrages d’art véritablement antisismiques.
« La dernière loi, la 04-20, sur les risques majeurs date déjà de 2004, suite au séisme de Boumerdès en 2003, alors que toute loi doit être revue au moins chaque dix ans. Certains de ses textes d’application ne sont toujours pas parus, et qu’en l’absence de son actualisation, elle serait déjà obsolète. Il est urgent d’actualiser la loi 04-20 sur la gestion des risques majeurs », avait-il conclu. n