Ces chiffres témoignent à eux seuls, s’il fallait une preuve de plus, des sommes injectées par l’Etat dans les différentes opérations de soutien financier aux prix des produits alimentaires de base.

Par Hakim Ould Mohamed
Le ministre du Commerce et de la Promotion des exportations, Kamel Rezig, a levé une partie du voile sur les montants qu’injecte l’Etat annuellement sous forme de soutien aux prix des différents produits de première nécessité.
La subvention de l’huile de table par l’Etat a atteint 108 milliards de dinars durant les 11 premiers mois de 2022, soit le double du montant enregistré en 2021. C’est ce qu’a indiqué, jeudi dernier, le ministre du Commerce et de la Promotion des exportations.» Ces chiffres faramineux démontrent le champ d’intervention de l’Etat et l’écart pris en charge pour maintenir les prix à la portée des citoyens», a précisé Kamel Rezig lors d’une plénière à l’Assemblée populaire nationale (APN) consacrée aux questions orales.
Selon les chiffres présentés par le ministre, la valeur des subventions apportées par l’Etat pour maintenir la stabilité des prix de l’huile de table est passée de 852 millions DA, en 2019, à 3,205 milliards DA en 2020, puis à 57 milliards de dinars, en 2021, avant d’atteindre 108 milliards DA au cours des 11 premiers mois de 2022. Le ministre a expliqué que ce mouvement haussier est dû, comme il fallait s’y attendre, aux répercussions de la pandémie du coronavirus qui a impacté, à l’échelle mondiale, le mouvement des marchandises et les cours des produits alimentaires, dont l’huile brute de soja. Ces chiffres témoignent à eux seuls, s’il fallait une preuve de plus, des sommes injectées par l’Etat dans les différentes opérations de soutien financier aux prix des produits alimentaires de base.
Ce n’est que la face visible de l’iceberg. Il faut savoir que l’enveloppe budgétaire mobilisée annuellement en guise de subventions aux différents produits de base est évaluée à plusieurs centaines de milliards de dinars. Même si le gros de ces montants va aux subventions énergétiques qui sont essentiellement implicites, c’est-à-dire non incluses dans le budget de l’Etat, plusieurs autres aides financières destinées au soutien aux prix grèvent le budget de l’Etat. Les subventions à l’énergie, les carburants, l’électricité et le gaz compris, sont ahurissantes et dépasseraient les 2 000 milliards de dinars annuellement.
En revanche, les subventions aux familles et aux produits de base coûtent à l’Etat annuellement environ 4,5 milliards de dollars, tandis qu’une autre subvention de 4,7 milliards de dollars est destinée au secteur de l’habitat et un soutien de 3,2 milliards de dollars est canalisé au profit du secteur de la santé. L’Etat injecte ainsi chaque année plusieurs milliards de dollars sous forme de soutien financier aux prix et aux différents secteurs de service public.
En 2022, ces aides, aussi diverses que vastes, devaient coûter à l’Etat 1 942 milliards de dinars, dont 80% de ce montant concerne les produits énergétiques, soit près de 1 530 milliards de dinars. C’est ce qu’on pouvait lire en tout cas dans la loi budgétaire du précédent exercice. Ce montant devrait encore grimper cette année, puisque l’Etat a décidé de continuer à apporter son aide aux petites et moyennes bourses à travers ces subventions qui, rappelons-le, s’inscrivent dans le cadre de la politique sociale de l’Etat destinée à soutenir le pouvoir d’achat des Algériens.
L’extension de cette politique dans le cadre de la loi de finances de l’ exercice actuel s’est traduite par une hausse nette des montants consacrés aux subventions et, plus globalement, à l’intervention sociale de l’Etat. Comme ce fut le cas en 2022, l’Etat a arbitré en faveur du soutien au pouvoir d’achat à travers des mesures salariales, mais aussi via le soutien aux prix des produits énergétiques et de grande consommation. L’huile, le lait, les céréales et le sucre en font partie. L’Etat apporte aussi un soutien financier permanent au profit du secteur de la Santé et celui de l’Education. Le soutien direct aux familles fait partie également des différentes interventions de l’Etat dans le cadre de sa politique sociale.
Face à la récurrente question de l’impérative réforme du dispositif des subventions généralisées, l’Etat semble remettre le dossier à plus tard en raison de l’impact de la crise sanitaire sur les petites et moyennes bourses. Mais pas seulement. Il s’est agi d’arbitrer entre l’ampleur des subventions et celle de l’inflation ; l’Etat semble avoir opté pour le soutien au pouvoir d’achat des Algériens à l’heure où l’inflation atteignait des niveaux plutôt insoutenables. Les subventions servent, entre autres, à soutenir le pouvoir d’achat en temps de fortes pressions inflationnistes.
En tout cas, il serait hasardeux de vouloir lever le pied sur le dispositif des subventions à l’heure où l’inflation flirtait dangereusement avec les deux chiffres, même si le consensus des économistes plaide en faveur de la réforme de ce système de soutien aux prix. C’est tout l’arbitrage auquel était confronté le gouvernement durant ces deux dernières années 2021-2022 ; entre la hausse des prix qui entraînera une hausse des recettes, lesquelles permettront de financer des milliers de postes budgétaires dans la Fonction publique, et les risques d’un dérapage inflationniste qui viendrait prendre d’une main les concessions salariales attribuées aux fonctionnaires de l’autre.
Quoi qu’il en soit, la réforme des subventions peut attendre car le défi futur étant de parvenir à trouver un juste milieu de nature à protéger les ménages et les entreprises des fièvres inflationnistes, tout en avançant sur le chemin de la réforme budgétaire. <