Un vibrant hommage a été rendu, vendredi dernier, au grand cinéaste Abderrahmane Bouguermouh, le pionnier du cinéma amazigh, dans sa commune natale, Ouzellaguen (wilaya de Béjaïa), à l’occasion du 10e anniversaire de sa disparition, le 03 février 2013.

Par KAMAL OUHNIA


À l’initiative de la dynamique association culturelle «Horizons» d’Ouzellaguen, la ville d’Ighzer Amokrane a abrité une journée commémorative dédiée à la mémoire du réalisateur du premier long-métrage d’expression amazighe, «La Colline oubliée» (1996), adapté du roman éponyme du défunt anthropologue-écrivain, Mouloud Mammeri.
Ainsi, dans la matinée de la journée du vendredi 3 février, une foule compacte, composée essentiellement des membres de la famille du défunt cinéaste, de ses anciens amis et collaborateurs, des militants politiques et des hommes de culture, des élus locaux et des citoyens lambda, s’est recueillie sur la tombe de Dda Abderrahmane, comme l’appelaient les intimes, pour s’incliner devant sa mémoire et lui rendre un hommage à la hauteur de la dimension de l’enfant prodige d’Ouzellaguen. C’est dans un silence religieux que la cérémonie de dépôt de gerbes de fleurs sur la sépulture du cinéaste disparu a eu lieu dans le cimetière familial des Bouguermouh, situé non loin du quartier de la gare ferroviaire d’Ighzer Amokrane, en présence de sa veuve Djamila Bouguermouh, de son fils et de la sœur de Dda Abderrahmane, Hania.
Lors d’une prise de parole improvisée sur le lieu de la sépulture, l’épouse du défunt réalisateur a évoqué succinctement le parcours et les projets de Abderrahmane Bouguermouh, dont le vœu de réaliser un film à sa défunte amie Taos Amrouche, qui constitue un rêve inachevé.
Au début de l’après-midi, vers 13h00, les hôtes de la commune d’Ouzellaguen sont invités à une virée au village natal de Dda Abderrahmane, Izemouren, situé à une dizaine de kilomètres du chef-lieu communal. Une fois sur les lieux, la procession humaine se dirige directement vers l’ancienne maison qui avait vu naitre Abderrahmane Bouguermouh, un certain 25 février 1936. Implantée au milieu de ce village historique, situé à un jet de pierres du musée d’Ifri, la bâtisse des Bouguermouh, qui avait abrité, selon des témoignages recueillis sur les lieux, des réunions des chefs historiques ayant organisé le congrès de la Soummam dans la même commune, durant le mois d’août 1956, tombe en ruines. Le constat est amer. «Les murs et le toit de cette maison construite en pierre se sont effondrés au début des années 2000», nous a fait savoir un jeune citoyen du village Izemouren. Face à un tel constat, la veuve Djamila Bouguermouh n’a pu retenir ses larmes. Pour rappel, Abderrahmane Bouguermouh est le frère du défunt metteur en scène Malek Bouguermouh, ex-directeur du théâtre régional de Béjaïa (TRB), qui avait, lui aussi, réalisé de célèbres pièces théâtrales, dont «H’Zam El Ghola» et «R’djal Ya H’lalef», avant de trouver la mort, dans un tragique accident de circulation, en 1989, sur la route reliant El-Kseur à Béjaïa.
Après des études secondaires à Sétif, Abderrahmane Bouguermouh rejoint, en 1960 l’Institut des hautes études cinématographiques (IHEC) de Paris. Parallèlement à sa formation, il réalise des émissions de variétés à la RTF, avant de rentrer en Algérie, en 1963. C’est ainsi qu’il participa, en 1963, à la création du Centre national cinématographique algérien (CNCA). En 1965, il réalise son premier moyen-métrage en kabyle «Comme une âme», adapté d’un ouvrage de son ami écrivain Malek Haddad.
Outre ses propres œuvres cinématographiques, il assista son ami Lakhdar Hamina dans la réalisation du célèbre film «Chronique des années de braise».
Notons enfin que l’adaptation à l’écran du roman de Mouloud Maameri, «La colline oubliée», avait connu un succès retentissant, d’autant qu’il constitue le premier film d’expression amazighe. Le film qui avait ouvert le bal au cinéma amazigh a été primé lors du 12e festival du film amazigh de 2012, où il a reçu «L’Olivier d’or». Une distinction bien méritée. Toutefois, une année plus tard, plus précisément le 3 février 2013, le père du cinéma amazigh rendra l’âme, à l’âge de 77 ans. n