Par Halim Midouni
L’intervention du chef de l’Etat, hier, en ouverture de la conférence nationale sur la relance industrielle, devrait être perçue par les chefs d’entreprise comme un signal positif et comme l’annonce d’une démarche gouvernementale davantage en phase avec l’entreprenariat national. Certains pourraientla qualifier de souple, d’autres de pragmatique, le fait est qu’elle a été précédée par un discours de vérité, certes discutable, mais qui, au moins, fait lever certains tabous et est susceptible d’agir positivement sur l’administration : ce fameux
«guichet», dont tous les patrons ou presque se plaignent dans tous les registres et sur tous les tons d’accusation.
En s’interrogeant sur les raisons qui incitent l’administration à freiner les candidats à l’investissement, en effet, M. Tebboune a fait avec ses mots propres l’aveu que le climat des affaires en Algérie n’est pas bonet qu’il demeure encore trop contraignant pour les porteurs de projets pour que l’Etat et le gouvernement n’agissent pas. Preuve en est, a-t-il suggéré, l’intervention de ses services à la Présidence pour leveren «très peu de temps»le gel administratif, dont souffraient 57 projets sur un totalde 402 dossiers en attente de concrétisation.
Mathématiquement, le nombre de projetsannoncés comme dégeléspar le chef de l’Etat n’est pas important par rapport aux 345qu’il a cités et qui sont en cours d’examen, mais la logique qu’il a exposée hier devant les participants de la conférence sur la relance industrielle voudrait que le processus de libération de l’investissement- car c’est de cela dont il s’agit- devrait s’accélérer dans un court avenir.
M. Tebboune, qui a prononcé la sentence de «crime contre l’économie» à l’encontre de ceux qui entravent la réalisation de projets «prêts au lancement pour des raisons bureaucratiques», a annoncé, pour ce futur,l’année 2022.
L’an prochain, donc, les chefs d’entreprise,les syndicats patronaux et les associations professionnellesqui comptent dans le pays auront comme soutien politique et institutionnel un président de la République qui a proclamé «inconcevable, hier, de geler des projets faute d’autorisations administratives malgré la mobilisation de milliards pour leur réalisation». «C’est làun comportement antipatriotique», a-t-il tranché. Sa critique de la bureaucratie délie l’administrationd’une partie de seschaineset de la peurqu’a provoquéedans ses rouages décisionnels l’exceptionnelle conjoncture politico-judiciaire qui a suivi la chute de l’ancien président défunt Abdelaziz Bouteflika.
«Maintenant que la justice a tranché, nous nous remettons à la construction d’une véritable industrie sur des bases rationnelles auservice de l’intérêt national comme un des vecteurs du développementglobal», a-t-il, lui-même, admis, non sans rassurer sur le fait que l’Agence nationale de développement et del’investissement (ANDI) a procédé, jusqu’à fin novembre dernier, à la levée du gel de 581 demandes pour bénéficier des avantages octroyés par l’Etat au profit des investisseurs.
Vers une feuille deroute en 2022
«L’ANDI, a-t-il tranquillisé, procèdera, au cours de la première semaine de décembre, à la levée du gel de 356 demandes supplémentaires» ; cela «permettra la création de plus de 75.000 postes d’emploi», un chiffre «consistant» qui aura un impact important sur la résorption du chômage.
L’Agence nationale du foncier industriel (ANFI), qui a remplacé l’ANIREF, créée en 2007 et qui a connu un changement de statut en février 2021, a-t-il encore promis, sera opérationnelle l’année prochaine avec l’engagement de faciliter aux investisseurs l’acquisition d’assiettes foncières dans un court délai. L’ANFI procédera à l’achat des assiettes foncières destinées à l’investissement relevant des zones industrielles, a expliquéle chef de l’Etat, ajoutant que les zones d’activité resteront sous la tutelle de l’administration locale, une décision de précaution sans doute et qui ne devrait pas susciter des problèmes à l’entreprise comme moteur du développement local.
Derrière, il y a la déclaration essentielle d’une confiance accordée aux PME et aux entreprises du pays de travailleret de créer la richesse chez elles pour pourvoir, avec leurs compétences,avoir les moyens de pouvoir se déployer à l’international : une logique que défendent depuis des années des chefs d’entreprise et des associations patronales dont l’Association nationale des exportateurs algériens (ANEXAL) pour qui l’ambition de s’attaquer aux marchés extérieurs passe avant tout par l’amélioration du climat des affaires et par l’encouragement de l’entreprise algérienne dans son propre terrain d’investissement et de création d’affaires.
Sans être un fanatique de la Confédérationalgérienne du patronat citoyen (CAPC, ex-FCE) ou de l’ANEXAL, ce qu’elles défendent depuis si longtemps comme arguments, est imparable : sans une vie économique locale, sans un tissu entrepreneurial local adéquat, il n’y a pas de petite ou de moyenne entreprise performante. Il n’y a pas non plus possibilité ni même une prétention à voir ces PME/PMI devenir des champions nationauxet aspirer à se transformer en grands groupes, selon le processus de croissance normale d’une entreprise réussie et ambitieuse.
C’est ce truisme qu’a énoncé hier le chef de l’Etatet dont il va falloir suivre la démonstration à travers le projet de plan d’action annoncé et proposé au débat, hier, par le ministre de l’Industrie. Il est question, a affirméAhmed Zaghdar, «d’amorcer un processus permettant à tous les acteurs d’unifier leurs efforts afin de relancer la croissance économique et partant la croissance de toute l’économie nationale».
Ce plan, a-t-il souligné, servira de «feuille de route pour tous les acteurs économiques et administratifs dans le cadre d’un dialogue constructif» pour atteindre deuxprincipaux objectifs : la substitution progressive des importations par des produits locaux et le développement chez les filières industrielles de la logique d’exportation des produits industriels. Il prévoit également«une révision totale du mode de gouvernance des entreprises publiques de manière à leur permettre de renouer avec la croissance, d’avoir des représentants sur le marché local et d’accéder aux marchés mondiaux». A l’année prochaine, donc !