A mi-parcours de la compétition, la française Justine Triet a frappé un grand coup avec « Anatomie d’une chute », avec un film-enquête au scénario retors.
Dans un confortable chalet, isolé dans les Alpes, une étudiante (Camille Rutherford) tente d’interviewer, Sandra (Sandra Hüller), écrivaine à succès, grande séductrice. L’entretien est chaotique, Sandra esquive les questions, et une musique assourdissante provient du premier étage. C’est Samuel, le mari, un auteur en panne d’inspiration, qui a poussé la musique à fond. Faute de pouvoir s’entendre, la rencontre entre les deux femmes est remise à plus tard.
Quelque temps après, Daniel (Milo Machado Graner), le jeune fils du couple, de retour d’une promenade avec son chien, trouve son père ensanglanté, inerte dans la neige.
Sandra, seule présente sur les lieux, est présumée coupable de cette mort. C’est Samuel (Swann Arlaud), un ancien ami avocat, qui va assurer sa défense.
Un an plus tard, le procès a lieu, mené par un procureur incisif (Antoine Reinartz) qui va pousser Sandra dans ses retranchements ultimes.
La vie du couple va être disséquée et les débats vont faire apparaître une mésentente, des reproches, une incompréhension, de la jalousie. Tout cela devant leur fils, qui a insisté pour assister aux audiences, aux yeux d’un bleu acier et mal voyant suite à un accident dont son père se sentait responsable.
Justine Triet engage une mécanique diabolique. Aux paroles d’experts qui avancent des explications possibles de la chute ou de la santé mental de la victime, se mêlent des écoutes des enregistrements que le mari avait l’habitude de faire au cours des disputes maritales. Le fils aussi apporte son témoignage, mais ses souvenirs sont-ils destinés à sauver sa mère ?
La cinéaste ose des ruptures de ton, des images et des sons non synchrones, des retours en arrière. Ce qui rend son récit vif et passionnant.
« Devant la conscience, être capable, c’est être coupable. » disait Victor Hugo. A l’issue du procès, on ne saura pas vraiment, si elle est coupable ou innocente, mais pour la réalisatrice et son co-scénariste (le réalisateur de l’excellent « Onada , 10 000 nuits dans la jungle » présenté à “Un Certain Regard“ et César du meilleur scénario en 2022) là n’est pas l’essentiel.
Justine Triet aime les femmes fortes et fragiles à la fois. Depuis son premier long métrage, « La Bataille de Solférino » avec Laetitia Dosch (Sélection ACID 2013), elle a dirigé Virginie Efira dans « Victoria » (Semaine de la critique en 2016) et « Sybil » (sélection officielle en 2019)
Cette fois, c’est la comédienne allemande Sandra Hüller (Ours d’argent de la meilleure actrice à Berlin en 2007 pour « Requiem » et remarqué à Cannes dans « Toni Erdmann ») qui fait merveille.
La réalisatrice française Justine Triet, 44 ans, revient donc en force avec « Anatomie d’une chute» qui est à ce jour le meilleur film de la compétition.