Drapée de sa melhfa de couleurs vives, pieds nus sur le sable, Sira
court vers son destin. Sira, jeune femme Peulh (jouée par l’actrice burkinabée Nafissatou Cissé), a de la volonté et du courage à revendre. Elle et ses proches ont subi une attaque de milices armées dans le désert du Burkina. Sira, enlevée et laissée pour morte, parvient à se sauver et découvre, au bout d’une marche interminable, le campement des groupes terroristes. Ce que l’armée parvenue sur les lieux parvient à mettre hors d’état de nuire.
Par Azzedine Mabrouki
« Sira », long métrage fiction d’Apolline Traoré, montré dans la section Panorama, Prix du public du festival de Berlin, est un travail d’écriture et de mise en scène audacieux, une épopée frénétique, avec des images et des acteurs remarquables, film tourné dans le désert de Mauritanie, faute de pouvoir le faire au Burkina, pays de la réalisatrice.
Ce n’est pas le premier film d’Apolline Traoré. Après des études à Boston et des essais documentaires à Los Angeles, Apolline est revenue à Ouaga pour tourner pour la télévision et le cinéma « Le Testament », « Moi Zaphira », « Frontières », enfin « Sira ».
C’est l’histoire bouleversante d’une jeune nomade Peuhl qui prépare son mariage et doit rejoindre le village où l’attend son futur mari. On voit d’abord les scènes joyeuses des préparatifs du mariage, robes, bijoux, coiffures, maquillages, conseils des amies moins jeunes sur ce qu’il faut faire ou ne pas faire la nuit de noce, scènes chaleureuses, féminines, parfois très osées… Soudain, le drame arrive. Pillage, meurtres, vol de troupeaux, Sira enlevée et abandonnée pour morte.
Sira se relève, court dans le désert et parvient à donner le signal du lieu des criminels. On croit à cette histoire de bout en bout. C’est un film d’espoir. Apoline Traoré montre que les milices sanguinaires sont des traiîres à l’Islam, des voyous vulgaires et corrompus.
Le Festival de Berlin est de retour à la normale après le Covid. Carlo Chatrian, directeur artistique, a programmé 400 films et sélectionné 18 pour la course à l’Ours d’or. Cette année, un jury présidé par l’actrice américaine Kristen Stewart a remis l’Ours d’or à Nicolas Philibert, pour son film documentaire tourné à Paris « Sur l’Adamant ». Une plongée dans une péniche ancrée dans la Seine, en plein centre de Paris, qui fait office de clinique de soins psychiatriques. Un documentaire saisissant qui permet de tout savoir sur les nouvelles méthodes de la psychiatrie. L’Ours d’or va donner à ce film documentaire français une résonance mondiale, alors que depuis toujours la fiction règne sur les prix et les compétitions.
Le jury de la Berlinale a pourtant oublié d’autres productions admirablement mises en scène, à commencer par « Totem » de la Mexicaine Lila Aviles. Une très belle réflexion sur la vie, la famille, la mort à travers le regard d’une enfant de 11 ans -superbe jeune actrice Naima Sentis, probablement d’origine syrienne.
On prépare la fête d’anniversaire d’un peintre. Fête et tristesse à la fois car les jours de l’artiste sont comptés. Mais une fête tout de même, à la mexicaine, joyeux chaos et exubérance, embrassades et pleurs à gogo. C’est une journée unique où la jeune héroïne cherche à voir son père, ne sachant pas qu’après la fête c’est le deuil qui se prépare. Cette œuvre mexicaine dégage une incroyable puissance de vie, de joie et de tourments. Le spectateur est entraîné dans un tourbillon d’images, de paroles, de chants, de musique, de rires, de pleurs. On n’oublie pas de sitôt le beau travail de Lila Aviles en sortant du Berlinale Palast.
Philippe Garrel a décroché l’Ours d’argent pour son film « le Grand Chariot » et l’a dédié à Jean Luc Godard. Il a filmé ses enfants qui fabriquent des marionnettes et font des tournées de spectacles. Une vive émotion se dégage de cette histoire quand l’aventure de la petite troupe sent sa fin prochaine, manque de moyens, faute de public, changement de temps. Le message du film est clair : les artistes sont des êtres fragiles, la vie est dure, elle cogne trop fort…
Rabah Ameur Zaimèche a montré « le Gang des Bois du Temple » au Delphi Palast dans le cadre du Forum de la Berlinale. Un vrai polar, mais très drôle… braquage, poursuite… Une bande loufoque de petits gangsters d’un lieu situé à Clichy-sous-Bois, dans la banlieue de Paris, cherche à braquer le convoi d’un roi arabe du Golfe, de passage dans cet endroit insolite, qui n’est pas les Champs Elysées. Tout va de travers. Un western à la manière d’un autre film de RAZ, « Wesh Wesh » (qu’est ce qui se passe) ? RAZ est un habitué de la Berlinale où il a déjà présenté son pur chef-d’œuvre, « Histoire de Judas », tourné à Biskra, Lambèse, El Kantara et Roufi.
Un beau film coréen, oublié du palmarès, celui de Céline Song « Past Lives ». Grâce à Internet, deux amoureux se retrouvent des années plus tard. Deux enfants de Séoul, une fille et un garçon de 11 ans à peine, dans la même classe. Aujourd’hui, à 30 ans et quelques, la femme vit à New York, mariée à un écrivain américain, elle-même scénariste. Son ex-ami n’a pas émigré. Il demeure et travaille en Corée. Céline Song dit que c’est une histoire basée sur sa propre vie. Elle a réussi à en faire un film ravissant, mise en scène, images, interprètes, dialogues. Les images de New York ressemblent aux films de Woody Allen. Le film australien « The Survival of Kindness », de Rolf de Heer, a laissé les journalistes très perplexes. De quoi s’agit-il ? Un mystère absolu règne dans les longues séquences du début du film où une femme aborigène est enfermée dans une cage de fer au milieu de nulle part du désert de Tasmanie. Le film est quasiment muet et au fil des images très dures, très brutales, on se demande si une guerre atroce est passée par là. La femme brise ses liens et ressort libre. Mais c’est pour découvrir la répression blanche, toute l’horreur du monde. Alors elle retourne dans sa cage pour mourir. Une histoire éprouvante, inhumaine, on sort de là anéanti.
Le film chinois de deux heures, passablement ennuyeux mais filmé dans le vieux Pékin avec brio « The Shadowless Tower », de Zhang Lu. Sujet intéressant sur le culte des ancêtres. Ou comment un Pékinois tente de retrouver les traces de son père et de ses liens familiaux. Journaliste, divorcé, prenant soin de sa petite fille, et vivant chez sa sœur. Il rencontre une très jeune et mystérieuse photographe grâce à laquelle il retrouve finalement son vieux père.
Le film est donc filmé à Pékin, drôle de ville où on circule tout le temps, à vélo, en train, en bus, en voiture, à pied… Car Pékin, c’est aussi le sujet de ce film plein de mélancolie, de tristesse et de solitude. n